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JE est un autre

Pour un dialogue pédagogie-psychanalyse

Jacques Lévine, Jeanne Moll

 

Editions E.S.F. 3e édition (2004) ISBN: 2-7101-1470-4 (27,20 €)

Dernière de couverture

           Il y a de nombreuses années maintenant que les travaux de Jacques Lévine irriguent en profondeur la réflexion et la recherche pédagogique. C'est que l'homme est tout à fait exceptionnel. Ancien collaborateur de Wallon, très tôt intéressé par les questions scolaires, psychanalyste d'une grande notoriété, il a réussi à parler aux enseignants et aux éducateurs un langage tout à fait original : parfaitement intelligible, nourri d'exemples concrets, respectueux des spécificités de chacun des métiers de l'éducation et toujours exigeant, tant sur la méthode employée que sur les apports qu'il estime indispensables à l'exercice de ces métiers.

             A l'écoute des professionnels de l'éducation et parce qu'il est convaincu qu'il faut bien " prendre les enfants comme ils sont " pour pouvoir les aider à apprendre et à grandir, avec ce mélange de sûreté, de tendresse et de fragilité qui le caractérise si bien, il a imposé, petit à petit, plus qu'un discours, plus qu'une nouvelle " pédagogie "... une approche de l'enfance et de l'école qui ouvre de multiples possibilités d'action.

             Parce qu'il est convaincu qu'éduquer est une affaire complexe, qui met en jeu des personnes dans une relation toujours à réélaborer, il explore, comme nul autre, les rapports de la pédagogie et de la psychanalyse. Aucun impérialisme dans sa démarche, pas la moindre volonté d'annexion, mais, au contraire, un dialogue ouvert en permanence pour que l'enseignant et l'éducateur, plus lucides, mieux armés, capables d'entendre ce que disent leurs élèves sans renoncer à ce qu'ils ont à leur apporter, soient toujours plus capables d'inventer eux-mêmes leur propre vie, leur propre métier, leurs propres méthodes.

             C'est cela qui est d'abord ici à saluer : le dialogue entre la pédagogie et la psychanalyse ne se fait au détriment de personne : la psychanalyse reste une ascèse exigeante qui requiert une longue formation et travaille avec ses procédés propres ; la pédagogie reste un métier spécifique centré sur la transmission, exigeant des connaissances solides sur les contenus à enseigner et une inventivité toujours plus poussée pour relever le défi de la réussite de tous. Dans ce dialogue, les travaux de Jacques Lévine fonctionnent comme des " opérateurs d'ouverture ". Ils déverrouillent les pratiques enkystées dans les habitudes. Ils libèrent de bien des angoisses. Ils n'assujettissent pas, mais rendent leur vrai pouvoir à tous les professionnels de l'éducation.

             Aussi, je ne saurais trop me féliciter de la publication, sous la direction de Jacques Lévine et Jeanne Moll, de ce premier ouvrage collectif sur les travaux de Jacques Lévine. On trouvera ici ses principaux apports et des témoignages essentiels de ses collaborateurs. Autant dire qu'il s'agit, à tous égards, d'un événement à saluer. » Philippe Meirieu

             Docteur en psychologie, psychanalyste, auteur de nombreux articles parus dans des revues professionnelles, Jacques Lévine est à l'origine, en 1993, de l'Association AGSAS qui réunit des pédagogue et des analystes.

             Avec le concours de Jeanne Moll, co-auteur de Pédagogie et psychanalyse, et vice-présidente de l'AGSAS, il publie dès lors la revue JE est un autre, d'où sont extraits presque tous les textes rassemblés et restructurés dans ce livre. L'AGSAS poursuit un travail de formation dans des petits groupes (« Balint enseignants »), d'innovation pédagogique sur le terrain, et de réflexion dans sa revue et lors de ses colloques. Elle est ouverte à tous ceux que sa démarche intéresse.

Table des matières

Introduction, Cécile Delannoy et Jeanne Mol!

Chapitre 1 : Les groupes de « Soutien au Soutien » : entre pédagogie et psychanalyse

Renouer avec l'histoire

Pédagogie et psychanalyse, Jeanne Moll

Les « maîtres-camarades » de Hambourg et la psychanalyse, Jeanne Moll

En souvenir de trois figures du passé..., Jeanne Moll En France, la naissance de 1'AGSAS, Cécile Delannoy et Jeanne Mol!

Se former aujourd'hui à la relation

Le Soutien au Soutien, repères théoriques, Hernando Ramirez

La pratique du Soutien au Soutien : témoignage d'un participant, Simone Bertrand-Martinet

La pratique du Soutien au Soutien : témoignage d'un animateur, Jeanne Moll

De quels désirs sommes-nous habités dans la formation à la relation par le Soutien au Soutien ? Jacques Lévine

Quand «JE» va à l'école..., Gilbert Jeanvion

Comment traite-t-on l'histoire du sujet en Soutien au Soutien ? Mathilde Clouet

Chapitre 2 : Des concepts analytiques en héritage

Quelques points de repère dans l'oeuvre de Balint,Annie Rarnirez-Lévine

La loi selon Sigmund Freud : quelle actualité ?Jacques Lévine

Le soutien de Winnicott au S au S, Jacques Lévine et collectif AGSAS

On humanise un enfant : de la loi de l'enfance à l'enfance de la loi, Nicole Beaume

Actualité de Bion en Soutien au Soutien, Jacques Lévine et collectif AGSAS

Pour qu'un bébé devienne un être humain :hypothèses sur le processus originaire, Annie Ramirez-Lévine

Chapitre 3 : Un apport original, un langage métaphorique

Regard photo et regard cinéma, Jacques Lévine

Du « moi narcissique » au « moi-maison », Jacques Lévine : entretien enregistré par Cécile Delannoy

L'écoute tripolaire du transfert, Jacques Lévine

La lutte contre l'identité négative, Jacques Lévine

L'espace de médiation « endogamie-exogamie », Jacques Lévine

La double structure de tout appareil de médiation,Mathilde Clouet

La loi des quatre affiliations comme fondement des apprentissages, Jacques Lévine avec le concours de Marie-Josèphe Rancon

Les racines totémiques de l'école, Jacques Lévine

Chapitre 4 : Quelques effets du Soutien au Soutien

Le Soutien au Soutien : une école de réalisme, Geneviève Ménager

Quelques exemples de séances

Une séance avec des enseignants du secondaire, Jacques Lévine et collectif AGSAS

Une séance avec des psychologues scolaires dans l'enseignement primaire, Jacques Lévine, Geneviève Cossuta, Solange Petiot et Marie-Josèphe Rancon

Le cas de Thierry : honte, secret, défi, Jacques Lévine

Efficacité des groupes Soutien au Soutien • Apport des groupes pour les élèves

Le cas « Maxime », Arlette Chatendeau

Le cas « Pierre », Jeanne Béw

Le cas « Antoine », Simone Bertrand-Martinet

• Apport des groupes pour les enseignants

Quand j'entre dans la salle des profs, Bruno Guenne

Dans le cadre de la formation initiale, Janine Crepey • Apport des groupes pour la classe entière

Dans un collège du sud de l'Alsace, Jean Schmitt

Une conseillère d'orientation psychologue dans une classe de terminale, Renée Pinelle

Un groupe de professeurs débutants, Jeanne Moll

Chapitre 5 : Oser d'autres attitudes et d'autres dispositifs

Analyser et comprendre

Une nouvelle problématique : les « classes-bataille »,Jacques Lévine

Qui sont les élèves des collèges sensibles ? Marie-Danielle Pierrelée et Jacques Lévine

Oser innover dans l'enseignement primaire

•Expérimenter d'autres attitudes

Un exemple : Anthony et le judo, Hélène Bénigno

Une communauté de philosophes de six ans, Agnès Pautard

•Organiser la classe sur le mode d'une communauté de vie et de travail

 

La classe Titou en grande section de maternelle (GS), entretien avec Agnès Pautard, questions posées par Alain Durand et Jacques Lévine

La classe-village, compte rendu d'une visite de la classe de Georges Millet, réalisé par Alain Durand et Jacques Lévine

La messagerie télématique et les métiers au cours élémentaire, Roger Beaumont Commentaires de Michel Develay et de Jacques Lévine à la suite de leur visite

Oser innover dans le secondaire

•Faire que les jeunes se sentent reconnus

Boîte à bonheurs, boîte à soucis, Marinette Belmont

Travail de médiation en lycée professionnel, Jo Ficheux

•Transformer les établissements

Mettre en place des outils d'identité collective, Marie-Danielle Pierrelée et Jacques Lévine

Ouvrir des espaces de négociation, Daniel Ephretikine

« Démassifier » les établissements, Catherine Chomn-Baia

Une autre façon de travailler à moyens constants pour améliorer la réussite et faire baisser la violence, Marie-Danielle Pierrelée

 

Chapitre 6 : Vers plus d'humain

Déjouer les pièges de l'inhumain

Qu'est-ce que l'inhumain ? Qu'est-ce que l'humain ? Jeanne Mol/ et Jacques Lévine

La télé est-elle un bouillon de culture pour l'inhumain? Jacques Lévine

La « déferlante » des histoires qui font peur, Marie-Josèphe Rancon

« Monsieur, nous, on a la haine... », Jacques Lévine

Vers une école humaine pour tous

L'in-humain, l'humain et le mythe, Michel Develay

L'école sans classes, Marie-Danielle Pierrelée

Au commencement de la formation, Jeanne Moll

Puisqu'il faut conclure...Jacques Lévine, Cécile Delannoy; Marie-Josèphe Rancon

Annexes

Liste des auteurs

Sources L'AGSAS Éléments de bibliographie

Un passage

De quelques paradoxes de la loi

             A ce travail sur les conceptions de Freud concernant la loi, il convient d'ajouter, en tant que prolongement de la réflexion, une liste de quatre paradoxes. En effet, l'idée de la loi, comme ces fausses idées claires que sont l'amour, la lumière ou l'intelligence, ne va pas de soi. Son intelligibilité nécessite qu'on la déconstruise et qu'on repère les contradictions qui s'infiltrent dans sa transmission.

Premier paradoxe

             L'idée de loi est parasitée par la confusion trop fréquente de ses objectifs et de ses moyens. A la limite, les Dix Commandements ne sont pas l'objectif majeur des Dix Commandements, car la visée majeure des tables de la Loi est autre : c'est d'assurer la fondation, l'essor et la pérennité d'un peuple. Et il en est de même pour tous les peuples et groupes. C'est par une certaine dénaturation que le but premier de la loi devient l'obéissance aveugle à ses règlements. Sa vraie raison d'être, c'est le lien social, c'est le souci de donner un avenir à une structure construite ensemble pour assurer une façon de vivre qui plaît. Le sujet n'adhère en profondeur à la loi du groupe que s'il y trouve ce qui lui permet de se développer. Sinon, son appartenance est de l'ordre de la peur.

             Cette formule est entièrement applicable à l'école. La loi scolaire n'a de sens que par la qualité du lien qu'elle propose. Si, du fait des règlements, le type de socialisation et d'apprentissage qu'elle transmet fait de l'enfant un non-receveur et un non-apporteur, le lien perd sens et trop d'enfants n'ont alors d'autre issue que de se rebeller ou de se soumettre artificiellement.

Deuxième paradoxe

             L'idée de loi est plurielle, dans la mesure où elle est tiraillement perpétuel entre nature et culture. Encore plus que l'inscription du bébé dans l'ordre symbolique, ce qui importe aux parents, lorsque l'enfant paraît, c'est qu'il vive et se développe. Avant de réglementer les pulsions, les adultes les mettent en expansion. Ils excitent le narcissisme de l'enfant, ses envies de symbiose, de mégalomanie, de pénétration des secrets. Bien entendu, très tôt, il faut limiter, doser, réprimer et installer en l'enfant le système des obligations et des interdits qu'on désigne sous le nom d'ordre symbolique. Mais c'est la deuxième forme de la loi et non la première.

             La méconnaissance, y compris à l'école, de ce qu'est le plaisir de vivre à la phase duelle, à la phase triangulaire, à la maternelle, au CP et ensuite, est autant génératrice de transgressions de la loi que les carences de sa transmission.

Troisième paradoxe

             Toute loi est à la fois au service des particularismes et de l'universalisme. Elle contient nécessairement des messages à valeur universelle, comme l'interdit du meurtre et la prohibition de l'inceste, qui sont nécessaires à la survie du groupe. Mais l'histoire ne nous montre que trop les atrocités qui résultent du particularisme intégriste. Faire la guerre à l'ethnie voisine, au lieu d'être désigné comme un crime, est alors considéré comme l'hommage qu'on rend à sa propre lignée.

             L'école ne peut échapper à ce paradoxe : les enfants ont à tenir ensemble le respect des particularités identitaires et l'unité de l'espèce humaine. Elle est fréquentée par des enfants d'origines socioculturelles et ethniques diverses. Elle est vécue de façon profondément différente par les élèves qui réussissent bien, par ceux qui échouent et par ceux qui s'installent dans la médiocrité. La loi scolaire a donc un sens très différent pour les uns et pour les autres.

Quatrième paradoxe

             La loi demande à chacun de se mettre au service de la collectivité. Mais elle ne laisse pas assez entendre que la collectivité a également pour loi de servir le développement de chacun de ses membres. On voit par là que la valeur de la loi dépend de l'équilibre qu'elle est capable d'organiser entre ces deux obligations.

             Si, à l'école, la loi transforme un programme fait pour les meilleurs en obligation pour tous, elle instaure une forme de totalitarisme qui pénalise ceux qui n'appartiennent pas à la nomenklatura scolaire. Mais le danger inverse existe : si elle hypertrophie le souci du développement optimal de chacun en négligeant le cadre institutionnel, elle peut détruire un ciment unificateur. Si bien qu'au total, c'est la façon dont est géré le problème de l'hétérogénéité qui est l'élément capital.>> p. 75-76

Commentaire

Un livre très riche qui, bien sûr, présente le Soutien au soutien mais qui aborde bien des aspects de l'école, à la fois de façon théorique mais également de façon très concrète. A lire!

Voir le site du "Soutien au soutien": agsas

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