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Pour une sociologie d'intervention

Gilles Herreros

 

Édition Erès. (2002) ISBN: 2-7492-0047-4

Dernière de couverture

Cet ouvrage présente les conditions d'exercice de la sociologie d'intervention que l'auteur définit ainsi : « Venir entre et parmi les acteurs d'une situation afin d'établir, notamment au moyen d'une plus-value cognitive et/ou affective, une relation qui puisse être aidante ». A travers une approche méthodologique, théorique et épistémologique, il entend répondre à des questions auxquelles tous les praticiens de l'intervention (spécialistes des sciences humaines mais aussi consultants de toutes les disciplines) se trouvent confrontés.

L'action du sociologue répondant à la demande sociale relève-t-elle de la science ? L'implication du chercheur est-elle compatible avec la rigueur de sa démarche ? Quelles relations établir avec un commanditaire ? Quelles sont les postures de l'intervenant ? Comment se déroule une intervention ? Quelles contraintes théoriques respecter ? Quelle position adopter face à la notion d'expertise ? Quelle vocation accorder à la connaissance produite ?

Pour Gilles Herreros, la sociologie d'intervention est une démarche résolument engagée, sans être pour autant militante. Elle mobilise une forme d'intelligence théorique et pratique, articulée sur différents paradigmes. Loin de chercher à s'enfermer dans une théorie du social exclusive de toute autre et prétendant à l'autonomie de son cadre conceptuel, le sociologue gagne à pratiquer le mélange et les articulations, à cultiver les interférences entre pratique de terrain et constructions théoriques, à privilégier les circulations entre systèmes conceptuels. Des récits d'intervention viennent ici ponctuer les développements et fournissent des contours précis à cette sociologie d'intervention.

Gilles Herreros, maître de conférences en sociologie à la faculté d'anthropologie et de sociologie de l'université Lumière-Lyon 2. Membre du centre de recherches et d'études anthropologiques, il pratique l'intervention au sein d'espaces d'action très divers : hôpitaux, quartiers relevant de la « Politique de la ville », entreprises, administrations, secteur du travail social.

Table des matières

INTRODUCTION

Le chercheur face à la demande sociale

Le risque de l'expertise normalisante

Le sociologue dans la cité

Dépasser la sociologie d'intervention classique

Pour une autre sociologie d'intervention

 1. L'INTERVENTION SOCIOLOGIQUE D'ALAIN TOURAINE

Le dispositif conceptuel d'une sociologie engagée.

Les formes de l'intervention sociologique

La vie des groupes artificiellement évacuée

Une théorie sociale exclusive

Une sociologie engagée ou dégagée ?

2. L'ANALYSE STRATÉGIQUE

Quelques rappels théoriques

Les caractéristiques de l'intervention stratégique. .

À propos de quelques aspects techniques

Quelle finalité pour l'intervention ?

Le statut du chercheur et la science procédurale.

 

 

 

3 . L'ANALYSE INSTITUTIONNELLE

Une analyse critique de l'institution

Une « sociologie impliquée »

Un outillage diversifié.

Le terrain se dérobe

Une épistémologie contre-dépendante

 4. LES DIFFÉRENTES PHASES DU PROCESSUS D'INTERVENTION

La demande n'est pas la commande

Le « système-client »

Un dispositif de recherche

La diversité des outils d'investigation.

La multiplication des occasions de restitution

Le difficile et hypocrite refus de la prescription

Quelques pistes pour accompagner la sortie d'une intervention

5. UNE CLINIQUE MAÏEUTIQUE

Le sociologue d'intervention : un « tiers »

Le recours à la métis

Un repère : Hermès

Définition, origines et principales caractéristiques de la clinique

La frilosité des sociologues face à la clinique

L'effervescence de la sociologie clinique

Une clinique non thérapeutique

La maïeutique

RÉCIT : Un service d'hématologie

Une commande périlleuse dans un service hospitalier

La mort rode dans le service

Technicité-domesticité : deux types de logiques

Retour sur la commande

 6. MÉTISSAGES THÉORIQUES

Visages de l'interférence et de l'indiscipline transdisciplinaire

Analogie et pluralité d'instances d'analyses

Le complémentarisme

La pensée métisse au service du sociologue d'intervention

Pour des concepts échangeurs

Le manteau d'Arlequin

RÉCIT : Une école d'ingénieurs

Le contexte global de l'intervention

Une grande école pour un grand corps

Reformulation de la commande

Le dispositif de la recherche

Les formes de l'immersion

Décalages

... éclairages

Le déroulement de l'enquête comme analyseur

La dynamique de l'étonnement

I'adaptabilité au premier poste: les principaux ingrédients

Les limites et les insuffisances comme régulations

Est-il urgent... de ne rien faire ?

7. UNE SOCIOLOGIE À L'« ÉPISTÉMO »-« LOGIS » ENGAGÉE

L'engagement n'est pas une trahison

Le sociologue et les deux faces de l'engagement

Le sociologue fabriquant du social.

La référence pragmatiste n'est pas un défaut

L'éthique du lien

Le réalisme utopique

Pour une autre conception de l'activité scientifique

RÉCIT : La multinationale et le syndicat

Restructuration industrielle et expertise syndicale

Reformulation de la commande et ouverture au système-client

La problématisation de la recherche

Le dispositif de l'étude

Quelques éléments de l'analyse

L'impossibilité du système-client

CONCLUSION

Le métissage généralisé

Intervention, activité scientifique, expertise une posture hybride

BIBLIOGRAPHIE

Un passage

<<Le succès des « tiers » est, depuis deux décennies au moins, incontestable. Ils ont différents visages (experts, auditeurs, conciliateurs, négociateurs, facilitateurs, médiateurs en tout genre), proviennent d'horizons divers (ils sont ingénieurs, techniciens, spécialistes des sciences de la nature ou des sciences sociales), ils se définissent comme consultants et/ou chercheurs et sont loués en de multiples lieux : l'entreprise le quartier, l'école, la famille, les organisations ou les institutions... Mais qu'est-ce qu'un « tiers » ? La notion n'est pas facile à cerner car elle signifie tout et son contraire. Le tiers expert, le tiers arbitre, le tiers médiateur, le tiers acquéreur ou détenteur, le tiers instruit (Serres), le tiers exclu (Aristote), le tiers crieur (Montaigne), le Tiers Livre (Rabelais), le tiers dont on médit comme du quart (Molière), le tiers état, le tiers-monde (Sauvy)... le « tiers » est à la fois objet/chose et sujet/personne. Synonyme de ce qui fait lien et de ce qui fractionne, de ce que l'on exclut ou de ce qui, au contraire, est inclus, au centre, l'instance tierce est utilisée à des fins radicalement contraires. Aussi bien objet que sujet, contenu que contenant, le « tiers » est une instance multiforme. Partout où il y a du lien et/ou du non-lien, il y a du « tiers »(. ..) Dès lors, un constat s'impose : si la tierce instance est partout, revêtant tous les visages, elle pourrait n'être plus nulle part ! Pensée ainsi, comme omniprésente, banale ou commune, la fonction tierce ne se dilue-t-elle pas en tant qu'instance spécifique ? À pareille question, nous répondons par la négative, car c'est justement ce qui caractérise la tierce position ; multiforme, elle est porteuse de tous les possibles. Le « tiers » n'est jamais univoque ; il oeuvre, alternativement ou concomitamment, dans des directions différentes. C'est ainsi que l'on doit comprendre la pratique du sociologue d'intervention. Dans sa fonction tierce, tantôt il favorisera la naissance des controverses - là où il aura perçu une harmonie étouffante -, tantôt il préférera l'apaisement (là où les disputes vont jusqu'à menacer l'existence même du « lien » - cf. infra) ; ainsi, il sera appréhendé par les mêmes acteurs tour à tour comme un allié, puis comme un ennemi.>>pp.91-92

Commentaire

Ce livre est important car bien des formateurs dans l'E.N. confondent souvent "formation" et "intervention". C'est l'occasion pour eux de faire le point et de découvrir combien l'intervention est plus complexe que la plupart des formations.

L'auteur a le mérite de montrer que "la clinique" n'est pas à confondre avec "le thérapeutique" comme bien des gens le pensent. Il montre combien ce regard clinique est indispensable dans une intervention, comment il permet de différencier la demande de la commande, le demandeur du "système client".

Il développe également l'attitude du sociologue (qui doit être clinicien ), attitude faite de distance, de participation et d'écoute (en quelque sorte une fonction "tiers"); il montre combien il est nécessaire d'avoir un regard transdisciplinaire et non attaché à une théorie unique. Nous aurions aimé qu'il aborde davantage la dimension inconsciente de l'intervention à travers les travaux qui vont d'Eliot Jaques à Kaës en passant par André Levy et Jean Claude Rouchy, cela manque mais cela étant dit il n'en resta pas moins que ce livre est une excellente introduction pour comprendre les différentes dimensions de l'intervention. Il a de plus le mérite de décrire trois exemples d'interventions dans un hôpital, une grande école et une entreprise qui illustre bien ce qui est exposé. A lire par tout formateur qui a le souci de son travail.

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