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Dernière de couverture François
Dubet et son équipe de chercheurs se sont
posé la question centrale qui traverse
à la fois notre vie quotidienne et nos
débats publics : quelles
inégalités nos concitoyens
perçoivent-ils comme des injustices dans le
monde du travail ? À chaque
page, à chaque ligne, les témoignages
affluent, se recoupent, nous touchent et nous
dérangent. Pourquoi se sent-on
méprisé ? Pourquoi se juge-t-on en
situation précaire ? Pourquoi s'estime-t-on
exploité tandis que d'autres jouissent de
privilèges ? Pourquoi, enfin, se
considère-t-on aliéné,
empêché de se réaliser dans la
vie professionnelle ? Cet inventaire de
la souffrance au travail est complexe. Protester
contre l'injustice, c'est dévoiler ce que
justice veut dire, ou devrait vouloir dire.
François Dubet et ses collègues
analysent l'envers des plaintes qu'ils ont
minutieusement recueillies : foi en
l'égalité, reconnaissance du
mérite, aspiration à l'autonomie.
Par-delà le « livre noir » du
travail, ils dessinent le contour des valeurs que
nous partageons. Et ils rapportent le sentiment
d'injustice aux réalités de la vie
sociale. Ensuite, ils nous laissent juges, ils se
gardent de nous dicter la politique à
suivre. Un livre de référence, dont
nul ne sortira intact. François
Dubet, professeur de sociologie à
l'université Bordeaux-II et directeur
d'études à l'EHESS. Valérie
Caillet, maître de conférences en
sociologie à I'IUFM de Versailles.
Régis Cortéséro,
docteur en sociologie. David Mélo,
maître de conférences en sociologie
à l'université d'Orléans.
Françoise Rault, docteur en
sociologie, professeur de sciences
économiques et sociales en
lycée. Table des matières Remerciements INTRODUCTION
Injustices «
réelles », injustices vécues
L'égalité Le mérite
L'autonomie Principes, valeurs ou idéologies
? La polyarchie des principes Les dynamiques
critiques Une recherche 1.
L'ÉGALITÉ I. Les «
castes » et le mépris «
Traités comme des chiens » La logique
des rangs Service ou serviteur? II. L'ordre
juste et l'honneur Déchoir et garder son
rang L'ordre juste des institutions L'ordre juste
de la Nation III.
Discriminations et égalité des
chances La critique féminine Le racisme
La place de l'école IV « Pour
moi, ça va » Les injustices
scandaleuses « Je suis dans la
société » Des
inégalités multiples et
tolérables 2. LE
MÉRITE I. Le
mérite est juste La place du
mérite Les méritants Le mérite
est-il moral ? II. Le
mérite n'est pas reconnu Le
mérite et les statuts Le piston La
jalousie III.
L'exploitation L'esclavage moderne
Au-delà de la sueur IV Que mesure le
mérite ? Le mérite et
l'utilité Le mérite et l'effort La
distance au mérite 3. L'AUTONOMIE
I. « Et
pourtant j'aime mon travail » Le travail
est une « valeur » Kako et
kalo II
Indépendance et autonomie Ne pas
être une victime Avoir un espace III. De la
vocation à l'accomplissement Vocations
Les relations IV Le
métier « L'ouvrier est roi de son
métier » Métier et relation,
genre ou activité ? V
L'aliénation Liberté
surveillée Le stress et la
fatigue 4. LE DROIT, LE
POUVOIR ET LA RECONNAISSANCE . I.
Défendre son droit Loi ou règles
La confiance trahie Un usage aléatoire des
règles De l'injustice à la
plainte II. Le pouvoir
La tyrannie La menace La manipulation Le
pouvoir trop faible III. La
reconnaissance Les « sales boulots »
Chutes symboliques Atteintes à la personne
La reconnaissance impossible 5. POURQUOI LE
MONDE EST-IL SI INJUSTE? I.
L'égalité contre
l'égoïsme et l'anomie
L'égoïsme L'anomie II. Le
mérite contre les privilèges et le
favoritisme Les privilèges L'arbitraire
de l'autonomie III. L'autonomie
contre l'égalitarisme et la cruauté
du mérite Contre l'égalitarisme
Contre la cruauté du
mérite IV Tout va de
plus en plus mal Le malheur Les frustrations
Les rondes critiques 6. LA
DISTRIBUTION SOCIALE DES SENTIMENTS D'INJUSTICE
.. I. La
distribution des injustices et les statuts sociaux
. Un lien distendu entre principes de justice
et stratification sociale Des injustices
vécues dans des espaces
différents II. Un rapport
« pragmatique » aux principes de
justice Les sentiments d'injustice s'appliquent
d'abord à un contexte local Les conceptions
de la justice sociale et les expériences de
travail III Les
sentiments d'injustice et les
inégalités «
antérieures » au travail La
noblesse déchue des diplômés
Les précaires et le sentiment de
discrimination Une spécificité
féminine « irréductible » ?
La discrimination raciale IV
L'expérience de l'injustice à
distance des catégories
politiques L'espace des représentations
politiques Une interprétation plus morale
que politique de l'injustice
vécue 7. ORGANISATION
DU TRAVAIL ET PRINCIPES DE JUSTICE . I. La
rationalisation taylorienne Le mérite et
l'égalité La rationalisation
contre elle-même Le principe manquant :
l'autonomie II.
L'individualisation L'autonomie et le
mérite Le poids de la responsabilité
Quelles protections ? III. Les
bureaucraties professionnelles
L'égalité et l'autonomie
Protéger les statuts et les règles
Pour le mérite personnel 8. FIGURES DE
JUSTICE I. Être
invisible La dépendance consentie :les
diplômés non statutaires de
l'université .... En bas de l'organisation
hospitalière: les
aides-soignantes II.
L'exploitation Entre l'exploitation et le
métier :les ouvriers du bâtiment Au
service des clients et du marché : les
caissières III.
L'épreuve du marché Bon et
mauvais stress : les chefs de rayon L'entrée
dans la carrière : les jeunes
cadres IV
L'indépendance sous contraintes Des
indépendants très dépendants :
les agriculteurs Entre l'art et le chômage
:les intermittents du spectacle 9. LES
INJUSTICES ET L'ACTION I. Les
inégalités justes II Le destin et
le péché La grande loterie La
nature humaine III. Les
victimes sont-elles vraiment innocentes ? Les
victimes sont aussi coupables L'ombre des classes
dangereuses IV Nous
sommes tous complices Les injustices que l'on
crée Les compromissions Une justice locale
On n'a pas le droit de se plaindre V. La
distance entre la justice et l'action collective
. Agir ou se taire Des causes aux
responsabilités 10.
L'EXPÉRIENCE INTIME DES INJUSTICES
I. Les blessures
de l'âme Les humiliations et les
vexations Les blessures anciennes La honte et la
culpabilité La résignation La peur La
rage II.
Résistances Le détachement Le
caractère Militer III. La
vertu et la générosité
Être honnête Le langage du coeur
Grandir CONCLUSION Un monde
injuste Des classes sans société Les
injustices et l'action Des principes liés et
contradictoires Les limites du juste Annexe
méthodologique Bibliographie Un passage <<LES
INJUSTICES QUE L'ON CRÉE Dans la mesure
où ils adhèrent à plusieurs
principes de justice entre lesquels ils doivent
arbitrer, les individus ont le sentiment de ne
jamais être pleinement justes, puisque, en
choisissant un principe, ils ont toutes les chances
d'en trahir d'autres. Cette tension et cette
culpabilité latentes sont
particulièrement aiguës chez ceux dont
le travail porte sur autrui, chez ceux dont le
métier consiste à rendre des services
qui sont aussi des biens de justice. Par exemple,
c'est le dilemme quotidien du maître
d'école qui doit, simultanément,
traiter tous les élèves comme des
égaux, récompenser le mérite
des meilleurs et permettre à chacun de
développer sa personnalité et sa
créativité. Bien sou-vent les
instituteurs ont le sentiment de ne jamais parvenir
à réaliser tous ces objectifs et une
culpabilité latente accompagne leur
métier. Sur ce point, les agents de l'ANPE
ont la sensation diffuse d'être les complices
de certaines injustices. Quoi qu'ils
désirent par ailleurs, ils savent qu'ils
sont coincés entre les employeurs qui
offrent des salaires trop faibles et des conditions
de travail trop pénibles, les demandeurs
d'emploi qui utilisent les systèmes d'aides
et ceux qui ne renoncent pas au projet d'accomplir
leur vocation, même quand celui-ci ressemble
plus à un rêve d'enfant qu'à un
projet réalisable. Ils savent aussi
que leurs pratiques d'agents de l'ANPE ne sont pas
toujours parfaitement justes. Jeanne : « Nous
avons des collègues, les radiations
ça part vite. » « Les files
d'attente de deux heures, c'est révoltant.
Moi, je dis que c'est révoltant, ajoute
Marion. On est très mal, les gens qui
attendent, on les voit attendre, quand on va les
recevoir en entretien, c'est atroce, c'est
horrible. Pour eux c'est très violent,
l'attente, mais pour nous aussi c'est
intolérable, sincèrement. » Mais
le poids du groupe, des habitudes, des conditions
de travail fait que, malgré tout, on n'agit
guère, et on finit par s'habituer à
cette souffrance, quitte à en souffrir
soi-même. La culpabilité semble coller
à certaines activités, même si
l'idéologie organique de ces professions
consiste d'abord à s'en défaire
puisque c'est toujours «la faute au
système » si les choses vont
mal.>> p. 386 Commentaire Un livre qui
fera date; Il montre comment à notre
époque il existe un rapprochemant entre
sociologie et psychologie à la fois dans les
méthodologies et les types d'analyse.
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