L'idéal
au travail Marie-Anne
Dujarier Préface de Vincent
de Gaulejac Editions Le Monde, P.U.F.
Col. Partage du savoir.
ISBN:
2-13-055267-6
(2006) 25 € Dernière de
couverture Que se passe-t-il
aujourd'hui au travail ? Les dirigeants disent en
choeur qu'ils n'ont « pas le choix ». Les
managers sont fatigués et coachés
pour éviter de « péter les
plombs ». Les salariés en relation avec
les clients ou les usagers, eux, ont le sentiment
amer d'être contraints à mal
travailler, de ne jamais « être à
la hauteur ». Marie-Anne Dujarier s'est mise
à leur écoute dans deux secteurs
d'activité, tous deux producteurs de
services de masse : la gériatrie publique et
une chaîne de restauration
privée. Où l'on
observe que ces organisations, pourtant si
différentes, s'engagent pareillement
à produire des services totalement
satisfaisants, et ce sur un nombre infini de
critères contradictoires. Tout écart
à cette promesse d'enchantement est
sanctionné. L'idéal n'est alors plus
un horizon, mais une norme sociale exigible, une
prescription de toute-puissance. Elle oblige
chacun, sous peine de perdre tout crédit,
à simuler la conformité à des
objectifs inatteignables et à dissimuler, en
même temps, ce qu'il fait
vraiment. Une analyse
pluridisciplinaire, à l'adresse de tous ceux
qui s'intéressent au travail et à son
organisation. Marie-Anne
Dujarier est maître de conférences
en sociologie à l'Université de
Paris-III et à l'École polytechnique.
Elle a mené cette recherche au sein du
Laboratoire de changement social (Paris VII), sous
la direction de Vincent de Gaulejac. Table des
matières PRÉFACE
de V. de Gaulejac, Introduction, CHAPITRE 1
: Comment organiser un service de masse
? Le service : une
relation organisée La
massification À
table! Un service de
gériatrie publique Les contradictions
du service de masse L'évolution
organisationnelle du service de masse Domination
bureaucratique, coproduction ou servitude
? CHAPITRE 2 :
Travail et organisation : quelques
définitions La
subjectivité au travail : l'acteur et le
sujet Les
différentes facettes du travail Définition
du travail d'organisation CHAPITRE 3 :
Déni des limites et prescription de
toute-puissance Le monde
merveilleux des restaurants de masse L'offre de service
: l'enchantement industrialisé La prescription
normative : des normes alimentaires d'une exigence
extrême Les objectifs
hiérarchiques de performance :
rentabilité, conformité et
satisfaction La prescription
opératoire : procédures, protocoles,
« Bibles » et formation Les prescriptions
de « savoir-être >> Les dispositifs de
contrôle et de sanction Une
gériatrie publique parfaite L'offre de service
: satisfaire un public de « clients-patients
» La prescription
normative : droits des patients, responsabilisation
des professionnels, 83 Des modes opératoires
experts Une santé
parfaite et moins coûteuse Les prescriptions
de « savoir-être » : participer,
être transparent Contrôler et
se contrôler Des services
infiniment satisfaisants, maîtrisés et
performants Une prescription
rationnellement construite sur des
hypothèses fausses CHAPITRE 4 : La
division sociale du travail
d'organisation Les conseils
d'administration (CA) : une prescription abstraite
et idéale Les directeurs
généraux (DG) : « On n'a pas le
choix » Les fonctionnels du
siège : « Nous, on est des techniciens
» Les directeurs
opérationnels : « C'est pas possible !
» L'encadrement de
proximité : « Coupable mais pas
responsable » Collectifs : le travail
d'organisation empêché Les
premières lignes : « Tout tombe sur
nous » La maltraitante du
client et de l'usager La
délégation du travail
d'organisation La simulation du
travail d'organisation Les outils de
délégation du travail d'organisation,
152 La psychologisation
des contradictions sociales De la
toute-puissance organisationnelle à la
toute-puissance individuelle CHAPITRE 5 :
Norme d'idéal et perte
d'idéal L'absence de
critique de la prescription de
toute-puissance La norme, c'est la
promesse faite au consommateur Le contrôle
hiérarchico-fonctionnel La force de
l'autocontrôle Traçabilité
et juridiciarisation : l'idéal devient
exigible Il faut y croire
ou, au moins, faire semblant Moins l'anomie que
la norme d'idéal La norme
d'idéal comme déni du
travail La perte
d'idéal La montée
des états limites CHAPITRE 6 : Le
sujet face à la norme
d'idéal Les
héroïques : réaliser
l'idéal, c'est normal Les pratiques :
arrêter d'y mettre du sien Les enchanteurs :
l'évitement du réel Les
résistants à la norme sociale
d'idéal Simulation et
dissimulation : faire « comme si
» Prendre sur soi :
la division morale du travail La reconnaissance
en miettes Lorsque le sujet
critique l'acteur Le travail sans
fin Conclusion Fonctions et
dysfonctions de la normalisation de
l'idéal-Une société en
état limite ?-Note méthodologique et
remerciements Glossaire
Bibliographie Un passage <<La
contrainte hiérarchique s'exerce donc de
manière indirecte, par des dispositifs de
contrôle et de sanctions portés par
les clients et usagers, les fonctionnels et les
normalisateurs externes. La contrainte n'est
apparemment plus imposée par les dirigeants,
mais par « le client qui nous fait vivre
», par les experts qui « savent » et
enfin par les « contraintes externes ».
L'obligation d'être parfait sur tous les
critères viendrait d'une demande sociale...
c'est-à-dire, aussi, de
soi-même. Dire que
l'idéal devient une norme sociale ne dit
rien de la croyance en cette norme. Ce qui est
important, sociologiquement, c'est «
l'obligation d'y croire », ou du moins de
faire « comme si » l'on y croyait, si
l'on veut être intégré
socialement, comme consommateur et comme
travailleur. Or, dans ces organisations, la
critique ou la remise en cause de la prescription
idéale est sanctionnée. Lorsqu'un
salarié « ose » contester un
objectif parce qu'il est impossible à
atteindre, ou lorsqu'il souligne
l'impossibilité d'atteindre
simultanément deux objectifs
contradictoires, il est « mal vu ». Dans
un service gériatrique, celui qui
déclare ne pas pouvoir respecter les chartes
déontologiques et éthiques compte
tenu des moyens qui lui sont alloués, ou qui
dit simplement qu'il n'a pas assez de lits pour
exercer pleinement ses missions de service public,
est traité de « râleur ».
Ses pairs, sa hiérarchie, les usagers et les
juges peuvent lui donner raison d'un hochement de
tête, mais cette prise de position ne modifie
aucunement la prescription. Dès qu'un
décalage entre fins et moyens est
constaté ce qui est le cas
quotidiennement , la tendance consiste
à dénoncer le manque de moyens. Celui
qui oserait dire que les fins sont trop ambitieuses
passe pour un marginal, un
désespéré, un fou, un
raté.>> p.175 Commentaire Un livre qui
nous permet de comprendre d'où vient le
stress, les sentiments de harcellement dans le
travail. Il nous permet aussi de mieux comprendre
la société dans laquelle nous vivons
actuellement. Un livre facile à lire et qui
nous fera du bien en nous permettant de prendre de
la distance par rapport à certaines
contraintes!