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Petite
philosophie de l'ennui
Lars
Fr.H.Svendsen
Édition
Fayard (2003) ISBN:
2-213-61541-1 (16 €)
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Dernière de
couverture
Il est des
sensations qui sont des sommeils, qui occupent
comme une brume toute l'étendue de notre
esprit, qui ne nous laissent ni penser, ni agir, et
ne nous permettent pas d'exister clairement. Comme
si nous n'avions pas dormi de la nuit, il survit en
nous quelque chose du rêve, et il y aune
torpeur de soleil diurne qui vient chauffer la
surface stagnante des sens. C'est une saoulerie de
n'être rien, et la volonté est un seau
renversé au passage dans la cour, d'un geste
indolent du pied.
FERNANDO
PESSOA, Le
Livre de l'intranquillité.
Prendre une
année sabbatique et ne rien faire :
voilà la décision qui, à
l'origine, a inspiré à Lars
Svendsen ce court texte sur la
difficulté de circonscrire, de vivre ce
rien. Le résultat : un livre
profondément original, au ton très
libre, qui puise à des sources aussi bien
philosophiques que littéraires et
cinématographiques.
Petite philosophie
de l'ennui, best-seller dans les pays scandinaves,
a déjà été traduit dans
plusieurs autres pays européens.
Traduit d u
norvégien par Hélène
Hervieu.
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Table des
matières
INTRODUCTION
LE
PROBLÈME DE L'ENNUI
L'ennui comme
problème philosophique
L'ennui et la
modernité
L'ennui et le
sens
L'ennui, le travail
et l'oisiveté
L'ennui et la
mort
Les typologies de
l'ennui
L'ennui et le
nouveau
HISTOIRES
D'ENNUI
Lacédie -
l'ennui pré moderne
Les philosophies de
l'ennui de Pascal à Nietzsche
L'ennui de
l'époque romantique - de William Lovell
à American Psycho
Crash- de l'ennui,
du corporel, de la technique et de la
transgression
Samuel Beckett et
l'impossibilité du sens
individuel
Andy Warhol :
renoncer au sens individuel
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LA
PHÉNOMÉNOLOGIE DE
L'ENNUI
Sur la disposition
affective
Ontologie -
herméneutique de l'ennui
LA MORALE
DE L'ENNUI
Qu'est-ce qu'un
je?
L'ennui et
l'histoire
L'expérience
de l'ennui
L'ennui et la
maturité
POSTFACE
NOTES
BIBLIOGRAPHIE INDEX
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Un passage
On entend souvent
qu'environ 10 % de la population souffrent de
dépression au cours de leur vie. Cette
estimation, quoique très approximative, me
paraît tout à fait plausible. Quelle
est la différence entre l'ennui profond et
la dépression ? je suis enclin à
croire qu'ici les frontières sont
extrêmement fluctuantes. je suis aussi enclin
à croire que 100 % de la population
souffrent d'ennui au cours de leur vie. L'ennui ne
peut pas s'entendre comme une idiosyncrasie
personnelle. C'est un phénomène
beaucoup trop vaste pour se réduire à
une seule explication. L'ennui n'est pas seulement
un état intérieur mais aussi une
caractéristique du monde, car nous
participons à des pratiques sociales qui
sont imprégnées d'ennui. On a parfois
l'impression que le monde occidental tout entier
est devenu comme Berghof, le sanatorium où
Hans Castorp séjourne sept ans dans le roman
de Thomas Mann, La Montagne magique. Nous tuons le
temps et nous nous ennuyons mortellement. On serait
tenté de donner raison à Byron :
« There's little left but to be bored or bore*
". » Lors de mon petit sondage, il est apparu
que davantage d'hommes que de femmes ont
affirmé s'ennuyer. Les recherches en
psychologie vont dans le même sens, indiquant
que les hommes souffrent davantage de l'ennui que
les femmes". (Ces recherches confirment aussi la
thèse de Schopenhauer selon laquelle le
sentiment d'ennui disparaît avec
l'âge".) Je n'ai aucune explication
satisfaisante à cela. Il se pourrait que les
femmes expriment leur ennui dans une moindre mesure
que les hommes mais en souffrent tout autant. Il
est possible qu'elles se posent d'autres questions
et aient d'autres besoins que les hommes, ce qui
expliquerait qu'elles soient moins touchées
par de rapides changements culturels qui peuvent
provoquer un sentiment d'ennui chez les hommes.
Mais une explication satisfaisante de cette
différence entre l'homme et la femme, je
répète que je n'en ai malheureusement
pas trouvé. Nietzsche aussi affirme que les
hommes s'ennuient plus que les femmes, et il
étaye sa thèse en disant que «
les femmes n'ont jamais appris à travailler
régulièrement Il », ce qui
paraît pour le moins contestable.
Je crois que
Kierkegaard exagère quand il affirme «
L'ennui est la source de tous les maux''. »
Mais il est vrai qu'il contribue à faire du
mal. Je ne pense pas que beaucoup de crimes lui
soient imputables car ils sont le plus souvent dus
à l'affect, même si l'ennui sert
d'explication pour une série de
méfaits pouvant aller parfois jusqu'au
meurtre. je ne crois pas non plus que l'on se lance
dans une guerre par ennui, mais c'est un fait que
l'entrée en guerre d'un pays donne lieu
à des scènes de liesse : un sentiment
d'euphorie fait descendre les gens dans la rue,
comme s'il fallait fêter l'arrivée de
quelque chose qui vient enfin rompre la monotonie
quotidienne - citons pour mémoire la
Première Guerre mondiale ou la guerre des
Malouines. (p.22-23)
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Commentaire
Un livre qui permet une
réflexion philosophique et psychologique dans un
style accessible.