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Le corps de
l'élève dans la classe
Claude
Pujade-Renaud
Editions
l'Harmattan. ISBN:
2-7475-8843-2
(2005) 17 €
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Dernière de
couverture
Que disent les corps en
classe ? Comment sont-ils perçus,
décodés, interprétés,
d'un côté comme de l'autre de la
« barrière » pédagogique ?
Question fort peu étudiée
jusqu'à présent, tant il est vrai que
l'espace du savoir évacue la
corporéité en feignant de ne
s'adresser qu'à de « purs esprits
» débarrassés de toute
contingence matérielle, et sur laquelle le
travail novateur de Claude Pujade-Renaud,
publié en 1983, avait fait date. Largement
épuisé depuis, pionnier quant
à l'utilisation de la clinique d'inspiration
psychanalytique pour analyser des
phénomènes d'enseignement, il reste
parfaitement d'actualité, et c'est donc tout
naturellement qu'il trouve sa place dans Histoire
et mémoire de la formation.
Respectant les choix
originaux, la présente
réédition se présente en deux
volumes. Celui-ci est le deuxième, et
questionne le corps en classe à partir du
point de vue des élèves, à
travers l'analyse d'entretiens non-directifs.
Assigné à une place dans l'espace qui
l'amène à se vivre comme passif et le
dépersonnalise,
l'élève-spectateur scrute et
questionne le corps de l'enseignant, seul apparent,
se laisse enrôler ou résiste à
la voix et au regard, s'évade et revient
dans la salle de classe, dans un jeu où le
corps révèle toutes les ambivalences
de la relation pédagogique.
Les pistes explorées
ici sont multiples, et apporteront un
éclairage pertinent pour l'analyse comme
pour la pratique en éducation et formation.
Cette réédition contribuera
également, nous l'espérons, à
développer un champ de recherche
insuffisamment exploré
jusqu'alors.
Claude PUJADE-RENAUD est
romancière et nouvelliste, après
avoir été danseuse et enseignante en
éducation physique et sportive puis en
sciences de l'éducation. Cet ouvrage est
issu d'une thèse d'Etat collective, soutenue
en collaboration avec Daniel Zimmermann à
l'université Paris VIII-Vincennes sous le
titre Communications non-verbales en situations
éducatives.
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Table des
matières
AVERTISSEMENT
CHAPITRE 1. -
L'ÉLÈVE ZOMBIE
Etre passif,
être là - Etre sans désir,
détaché, absent -La vie
parallèle, l'échappée belle et
l'après-coup - Fatigue, souffrance,
mort
CHAPITRE 2. -
L'INTERROGATION SUR LE PROFESSEUR
Le professeur
est-il un être humain ? - Le professeur
a-t-il un sexe ?
CHAPITRE 3. - LA
STRUCTURATION DE L'ESPACE
L'espace de
l'enseignant - L'aménagement du territoire
par l'élève
CHAPITRE 4. -
ATTITUDES, GESTES,
DÉPLACEMENTS
Mobilité et
présence professorales - Mantien et
gestualité de
l'élève
CHAPITRE 5.
L'AGE ET LE PHYSIQUE DU
PROFESSEUR
L'âge -
Présentation et présence
CHAPITRE 6. -
REGARDS
Le regard de
l'élève sur l'enseignant - La
perception du regard de l'enseignant
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CHAPITRE 7. - LA
VOIX PROFESSORALE
L'écoute de
la voix - La voix et le personnage -
La voix double
CHAPITRE 8. - LE
VÊTEMENT
Le vêtement
de l'élève - Le vêtement
du professeur - La sensibilité à
l'apparence vestimentaire - Un moyen de distraction
et un médiateur de la communication - Un
« ensemble »
pédagogique
CHAPITRE 9. -
RAPPORTS DE FORCES
Peurs et violences
- Attaques et défenses
CHAPITRE 10. -
RAPPORT AU SAVOIR
L'exhibition et la
rétention des connaissances par l'enseignant
- Savoir clos, savoir ouvert
CHAPITRE 11. -
AMOUR ET SÉDUCTION, CONTACT ET
DISTANCE,
Amour et
séduction - Contact et
distance
CONCLUSION
L'espace - La voix
- Le vêtement - Mixité et
sexualité - Violence et paranoïa -
Corps et savoir - Reconnaître le corps des
élèves ?
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Un passage
<<le
regard de l'élève sur
l'enseignant
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« Oui, le professeur, il est
exposé... on est obligé de
le regarder... il est là, hein
!... »
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Le
professeur s'impose et s'expose aux regards : on
retrouve un thème dégagé par
l'analyse de la « présence ».
L'enseignant, inévitablement, tombe dans le
champ visuel de l'élève.
Banalité, certes. Mais dans le discours de
l'élève, il est clair qu'à
l'obligation de l'écoute, scolairement
prescrite, s'ajoute l'obligation implicite de
regarder le professeur. Et le terme de «
exposé » semble détenir une
double résonance : exposition au sens d'un
donné à voir ; risque inhérent
à cette exhibition pour l'enseignant.
Données qui rejoignent celles fournies par
les enseignants. En tout cas, la prégnance
de ce registre visuel semble considérable,
supérieure même à celle du
registre de l'écoute
:
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-«
Le prof, je le regarde surtout quand il
parle... c'est important pour suivre de le
voir... »
-«
La voix, je ne trouve pas que ce soit
très important .., ce qui est
visuel a bien plus d'importance, je
crois... à partir du moment
où le prof on le voit... oui,
ça, c'est important...
»
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La
réception de la parole enseignante passe
tout à la fois par la médiation de
l'oreille et des yeux. Autrement dit, la parole
reçue émane bien d'un corps qui
l'incarne, la soutient, l'étoffe, lui
confère pour une part son
impact.
L'élève,
qui n'est pas dépourvu d'une certaine
capacité d'identification à
l'enseignant semble percevoir la difficulté
pour ce dernier d'avoir à tenir cette
position d'« exposition »
:
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-«
D'ailleurs, c'est pas drôle pour
les profs... parce que à partir du
moment où il est là...
devant un auditoire qui est en train de
guetter ses moindres faits et gestes...
c'est... euh (silence)...
»
-«
Le prof, on est bien obligé de le
regarder.., bon... mais en même
temps, c'est vrai que pour lui c'est pas
toujours facile... toujours
observé, tout ça, hein !...
»
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Cet
âge sans pitié serait-il capable de
« pitié », au sens où J.J.
RoussE tu l'entendait d'une compassion par laquelle
on se met peu
ou prou à
la place de l'autre ? Cet autre que la classe
observe, guette, traque... L'élève
pressentirait-il quelque chose de cette solitude de
l'enseignant face à cette
multiplicité des regards ? Néanmoins,
cette aptitude à la « compassion »
n'empêche nullement l'élève de
jouer, non sans quelque sadisme, du pouvoir de son
regard
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-«
Y a une prof, cette année
(rire)... bon, on la regarde... on rit
d'un truc parce que, par exemple, elle
fait beaucoup de grimaces.., alors elle
dit : qu'est-ce que vous avez à me
regarder ?... et puis elle regarde ses
habits, mais c'est sa tête qui nous
fait rire ! (rire redoublé)... elle
dit : y a quelque chose qui va pas ?...
elle s'inquiète, hein !...
»
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Si les
élèves sont le plus souvent
réduits au silence, leurs regards parlent.
Leur éloquence est susceptible de perturber
l'assurance et même la parole enseignantes.
Puisque l'enseigné est contraint de regarder
l'enseignant, il trouve une revanche à s'en
amuser, à s'emparer d'un fragment de corps
ou des facettes de l'expression (les «
grimaces ») et à s'en distraire. Le
raffinement sadique dans le quiproquo sera de
parvenir à « inquiéter » le
professeur sur un élément de sa
personne différent de celui qui aura
déclenché le rire initial.>>
p.68
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Commentaire
Un livre indispensable
sur un sujet peu traité ailleurs.