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Le travail du consommateur

De McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons

Marie-Anne Dujarier

Editions La découverte ISBN: 978-2-7071-5467-5 (2008) 18€

Dernière de couverture

 Où trouver une main-d'œuvre abondante, motivée et bon marché pour émettre un billet de train, concevoir une publicité ou dépanner une liaison Internet ? Une solution, promue par le marketing et soutenue par les technologies, consiste à mettre le consommateur au travail.

La coproduction dans les services est avérée depuis longtemps. Pourtant, la sociologie s'est rarement penchée sur l'activité même du consommateur. Partant de situations quotidiennes dans des services marchands (transports, banque, distribution, loisirs, restauration, médias, culture, médecine, formation, etc.), l'auteure identifie trois formes de mise au travail du consommateur : l'externalisation de tâches simplifiées, la captation de productions bénévoles et la délégation du travail d'organisation. Outre l'extension du self-service, le consommateur se fait tour à tour concepteur, marketeur, prescripteur, publicitaire, producteur, réparateur, formateur et même manager. Qu'il travaille pour consommer ou qu'il produise pour avoir le plaisir de travailler, son activité est organisée dans un rapport social nouveau qui crée de la valeur pour l'entreprise.

Mais comment faire travailler un consommateur alors qu'il n'est ni un professionnel ni un employé ? Peut-on organiser, prescrire et « manager » son activité ? Faut-il le former ? Que fait-il réellement ? Consent-il à travailler ? Quelles sont les formes de coopération, de conflit et de régulation dans cette division du travail spécifique ? Un livre essentiel pour comprendre les transformations actuelles du capitalisme et de son esprit.

Marie-Anne Dujarier est sociologue du travail et des organisations, maître de conférences à l'université Paris II/-Sorbonne nouvelle et à l'École polytechnique et chercheure au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (CNAM-CNRS).

Elle a notamment publié L'Idéal au travail PUF

Table des matières

Remerciements

Introduction

Faire travailler le consommateur

Une main-d'œuvre gratuite, disponible et motivée

Des « quasi-employés » difficiles à manager

Pour une sociologie du travail du consommateur

Qu'en dit la sociologie de la consommation ?

Consommation et travail

Méthode de recherche

I.Travailler pour consommer

1 L'autoproduction dirigée

La massification du service sous tension

Découper le travail en tâches simples

Automatiser les tâches répétitives

De la routine à la machine - Les hybrides homme-machine - Une construction sociale - Ce que permettent de faire les technologies

Simplifier les interfaces homme-machine

Extemalisation des tâches sur le consommateur

Six combinaisons productives

Les formes d'autoproduction dirigée

Le travail d'ajustement marchand - Finir le produit - La prestation sans relation - Réparer les pannes du fournisseur, gérer les aléas « Your time is our money »

2 Comment faire travailler un consommateur ?

Le travail prescrit du consommateur

Venez coproduire ! - Voici ce que vous devez faire - Soyez productifs ! - Faites un travail d'équipe -

Motiver le consommateur à travailler

C'est plus rapide - Éviter l'interaction - Être autonome - Vous y gagnez - « Pour votre confort et votre sécurité » - Vous n'avez pas le choix

Former le consommateur à travailler : le professionnaliser Comment faire ses courses dans un supermarché ? Incorporer des compétences productives 59 La décevante formation aux usages 61

Former le travailleur : des dispositifs performants

 

3 Les aventures réelles de l'autoproduction dirigée

Travail prescrit et travail réel

Le travail réel du consommateur dans l'autoproduction dirigée

La première fois - Comprendre le langage de l'offre - Rentrer dans les cases - Gérer les imprévus et les pannes des outils de production - En quête de la relation perdue - Le collectif de travailleurs-consommateurs comme ressource pour l'action - Le travail émotionnel - Intériorisation du langage et incorporation des compétences

Virtuosités

Les consommateurs qui n'arrivent pas à travailler

Des prestations sans relation : jusqu'où ?

Des prestations sans relation - Le retour de la relation dans la prestation - Du lien sans bien ? - Le marché de la relation perdue

Critique de la technologie plus que de la division sociale du travail

II. Coproduire pour travailler

4 La coproduction collaborative

Nouveaux outils : l'extension du champ de la coproduction

L'amateur équipé - Les technologies en réseau

Le marketing personnalisé et automatisé

L'activité tracée en temps réel

Les traces de l'activité - Le consommateur suivi à la trace - La valeur des traces

Les formes du travail collaboratif : de la captation de données aux oeuvres

Renseigner les bases de données - Concevoir des produits vendables et rentables - Promouvoir, prescrire, vendre des produits - Concevoir et réaliser des publicités - Fabriquer la confiance sur le marché - Produire de manière collaborative - Du consommateur au consommateur, avec médiation marchande - La production collaborative sur Internet est-elle un travail ? -Tous vigiles ?

5 Les ressorts du travail collaboratif

L'encadrement de la contribution

Les raisons de collaborer - Une prescription abondante - Des travailleurs compétents

Le contrôle discret

Un monde « horizontal » ? - Déresponsabilisation mais modération

Les aventures réelles de la coproduction collaborative - L'engagement non utilitariste dans le travail - Accepter le règlement interne - Se confronter au réel de l'activité - La quête de reconnaissance au coeur de l'activité - Une participation sélective -Les contributeurs infiltrés - Le travail vécu : réduire la dissonance cognitive

III. Le travail d'organisation du consommateur

6 Le consommateur « roi » au service de l'entreprise

Le double discours du marketing sur le marché

Fabriquer le marché et le consommateur - Satisfaire un consommateur capricieux - Marketing prédateur ou marketing bienfaiteur ?

Un client roi, autonome, puissant

L'invention du client roi - Le rebond critique : réenchanter t Le « customer empowerment» - Le consommateur participatif ?

La fabrique du consommateur

Fabriquer un marché, c'est du travail -Le temps de cerveau disponible et la captation des consommateurs

Le contrôle du consommateur

Moins de relations, plus de vigiles - « Souriez ! Vous êtes filmés ! » - Le contrôle social

7 Le travail de médiation des contradictions

Être un consommateur libre et capté

L'acte d'achat dans une société d'hyperchoix - Ce qu'il faut faire pour ne pas avoir à acheter -

La délégation des contradictions opérationnelles

Le travail d'organisation dans la relation de service Lorsqu'il n'y a plus de relation

Le consommateur contremaître

Le consommateur quasi-formateur -Prescrire et contrôler le travail des salariés - La construction sociale de l'exigence du consommateur - Un manager de proximité - Le consommateur légitimateur des réformes

De l'enchantement marketing à la prestation réelle

Citoyen, travailleur et consommateur : le travail moral

Trouble dans la « république des consommateurs » - Débarras, traitement des déchets, participation à l'effort écologique

Culpability business

I

V.Transformations sociales

8 Qu'est-ce que l'on fabrique ?

Le coproduit n'est pas identique au produit

Une prestation pratique, standardisée et individualisée - Un journal fabriqué par ses lecteurs - Une relation personnalisée ? - Tant que ça marche, ça va... - Est-ce que ça coûte moins cher ?

Le chamboulement des métiers

Transformation du travail des personnels au contact -L'automatisation du métier - Ceux qui restent et ce qui reste - Tout le monde peut le faire ?

Du consommateur aux consommateurs

Compétences, habiletés et ressources - Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade - Des situations handicapantes -Distinctions - Plus de contacts, moins de relations - Un processus d'individualisation - Vie publique, vie privée

Le pouvoir accru des concepteurs

Ce que cache l'écran - Ce que font les concepteurs - Un pouvoir discret mais renforcé - Un pouvoir concentré - Le mythe de la société en réseau

9 Stratégies de consommateurs

Le peu d'impact de l'exit et de la voice

La prise de parole instrumentalisée et découragée - L'exit peu efficace - Un rapport de force asymétrique

Les moyens d'action du travailleur-consommateur

Refuser d'être marchandisé - Tenter de rendre son cerveau indisponible à la publicité - Contester le travail prescrit - Faire alliance avec les salariés - Grèves chaudes, manifestations - Subversion par l'humour et la création -Grève du zèle, grève froide - Sabotage, luddisme - Détournements -Des collectifs de consommateurs pour défendre leur travail ? - Faire reconnaître le travail dissimulé

Conclusion

Sources documentaires

Un passage

<<Un journal fabriqué par ses lecteurs

Prenons le cas d'un journal d'information électronique, dont les contenus (textes, vidéos, images, dessins...) sont fournis par des contributeurs volontaires puis « aspirés » dans la Toile avec la technologie RSS (Really Simple Syndication — syndication simplifiée)'. Dans un article de 2004 resté fameux, deux journalistes imaginaient un scénario de ce type, dont la généralisation sonnerait le glas de leur profession. Le « pire », d'après eux, serait que ce nouveau journal, « pour trop de gens, n'offre plus que des faits divers. Presque tout est faux, tout est restreint, superficiel et sensationnel » [60]. D'autres sont également alarmistes en prévoyant un « progrès de la polémique au détriment de l'information, du gonflement de sujets chocs pour rassembler une audience dispersée entre les médias » [61]. Pour le philosophe allemand Norbert Bolz, la production du consommateur est une « libération psychologique et sociale » dont la contre-partie est « le retour de la doxa » contre le savoir. Les experts, d'après lui, perdraient de leur pouvoir, au profit de l'opinion des masses. Ce serait la « fin de la raison » et l'avènement de la « règle de l'opinion 2 ». Inversement, nous pourrions défendre que la coproduction des journaux offre un accès élargi aux informations, contourne la censure et permet donc de coproduire des publications de qualité distincte.

Il ne s'agit pas ici de juger ces évolutions et encore moins de les anticiper. Ce que nous retiendrons de ce cas, c'est que le coproduit n'est pas le produit : l'information change de forme et de fond lorsqu'elle est produite par des internautes plus que par des journalistes professionnels. Le choix des sujets, leur hiérarchisation, leur mise en perspective (historique, sociale, politique...) comme leur traitement sont profondément transformés. Il en va de même pour la télévision, les vidéos, les loisirs ou les (pseudo-)encyclopédies collaboratives. Les amateurs ont beau y mettre du leur et acheter du bon matériel, ils n'ont pas les mêmes compétences, expériences du métier et moyens techniques qu'un professionnel.

Lorsque la division du travail met le consommateur à contribution, le contenu même de la prestation change donc. Qu'en est-il de ses dimensions relationnelles ? >> p.180

Commentaire

Un livre qui analyse les dessous psychologiques de la consommation et dont certains éléments pourraient être enseignés à nos élèves

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