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Entre deux rives Exil et transmission

Sous la direction de Patrick Chemla

 

Editions Erès ISBN: 978-2-7492-0887-9 (2008) 16 €

Dernière de couverture

 La clinique témoigne de façon insistante et polymorphe de l'après-coup traumatique des massacres et génocides qui ont marqué le xxe siècle. La Shoah mais aussi les totalitarismes et enfin les guerres coloniales ont laissé des traces profondes de chaque côté de la Méditerranée. Même si les témoignages resurgissent, il n'en reste pas moins que la transmission s'avère difficile, se heurtant à des déformations ou des silences de l'Histoire officielle Ce qui n'as pu être reconnu et symbolisé revient alors dans la souffrance du symptôme, voire dans des productions délirantes qui témoignent bien souvent de morceaux d'histoires encryptees sur plusieurs générations.

Dans cet ouvrage, chaque auteur déploie, selon son style et sa trajectoire subjective, les enjeux de l'exil et de la transmission. Ainsi s'entrecroisent exposés cliniques, développements théoriques et apports érudits, mais aussi témoignages de ce qui reste en souffrance pour chacun. A se tenir au plus singulier de l'expérience, voire de ce qui est constitutif de l'être, ils évitent les discours « prêt-à-porter » et un universalisme abstrait qui ferait fi de l'empreinte culturelle, des tourments et des silences de l'Histoire. Leur parti pris est inverse : l'universel se trouve visé en s'écartant de façon décisive de l'impasse de l'ethnopsychanalyse qui assigne le sujet aux traditions de sa culture. Dès lors s'exiler de l'origine, tout en gardant le contact avec elle, figurerait le double mouvement incessant de toute transmission vivante à partir de laquelle la catastrophe peut aussi être source d'une créativité à venir.

Patrick Chemla est psychiatre, chef de service, psychanalyste ; Yacine Amhis est psychiatre ; Emile Lumbroso est psychologue ; Françoise Attiba est psychologue et psychanalyste. Ils exercent tous à Reims où ils animent l'association La Criée.

Avec la participation de :Jalil Bennani, Fethi Benslama, Alice Cherki, Henri Cohen Solal, Sarah Colin, Thierry Delcourt, Miryem El Alami, Annie Guérineau-Jomelli, Pascale Hassoun, Nadir Marouf, Jean Oury, Thérèse Zampaglione.

Table des matières

Préliminaire

Entre deux rives. Exil et transmission Patrick Chemla

Ouverture

Passages de Frontières Thierry Delcourt

TRAVERSER L'EXIL

Retour à Ghardaïa

Retranchements intranquilles — 2e Yacine Amhis

« Nous sommes tous des exilés... » Émile Lumbroso

Le vertige de l'affranchi FrançoiseAttiba

TRANSFERT ET TRANSMISSION

Le transfert : ancrage ou migration ? Pascale Hassoun

L'épreuve du transfert Sarah Colin

La formation universitaire à l'épreuve de la réalité clinique Miryem El Alami

Supports d'inscriptions Thérèse Zampaglione

Ancre-deux-rives Annie Guérineau-Jomelli

DIWAN OCCIDENTAL ORIENTAL

Lui pas Lui Fethi Benslama

Jérusalem. Imaginaire, réelle et symbolique Henri Cohen Solal

Migration des hommes, migration des idées dans l'historiographie saharienne

Réalités et conjectures Nadir Marouf

La psychanalyse au Maroc : ruptures et transmission Jalil Bennani

Il était une fois des juifs arabes.Patrick Chemla

Franchir la frontière intérieure Alice Cherki .

ENTRE DEUX ALIÉNATIONS

« L'homme est pour l'homme l'existence de la nature et la nature est pour l'homme l'existence de l'homme » Jean Oury

Un passage

<<FRONTIÈRES

Majuscule et plurielle, que de majesté et de grâce pour honorer ces bornes lisses. Les frontières tentent des démarcations propres, limites des peuples affranchis ou barrières arbitraires, affronts des hauts murs qui par-fois séparent les êtres chers, interdits vertueux traçant leurs balafres en travers du corps en y révélant la tentative de franchissement, de transgression au péril de la coupure : entaille du barbelé, scarification du rasoir.

Fascinante est la frontière séculaire d'une langue de terre qui s'offre comme passage étroit grignoté par l'érosion d'une mer envahissante, tel le Bosphore et son tumultueux brassage transculturel.

À l'opposé sont les frontières étanches : barrages gardés, renforcés d'épis et de chicanes empêchant les flux. Les hommes excellent dans la fabrique des frontières, privant les familles et les communautés d'une étreinte nécessaire, les privant même d'un parloir ou d'un regard.

La mer est frontière, allant jusqu'à cerner une île : isola, W de Perec, bagne insulaire. La mer dispose des égarés, nomades flottants ou étrangers en exil errant sur leurs canots de survie, parfois entassés dans un boat people voué au refoulement dans son espérance d'une terre d'accueil.

Et puis cette frontière entre la vie et la mort qui ne se fait jamais oublier. L'élu dispose au mieux d'une escorte pour son passage : cortège, rites, oushebtis. La tradition veille sur cette implacable frontière, préservant sa marque sacrée.

La frontière, c'est aussi le réel surgissant là où ça bascule : au-delà de cette limite, votre identité n'est plus valable, vous êtes perdu dans le hors-monde, vos mots n'ont plus cours. La frontière n'est pas entre-deux, elle n'est pas espace, elle tranche et délimite deux zones, et c'est l'une ou l'autre, il faut choisir, si choisir se peut, ou bien c'est à la contrainte d'un tiers : Corée du Nord ou du Sud, folie normale ou pathologique ! Homme libre ou assigné à résidence, comment discerner au-delà du mirage alors que chaque camp, chaque État tisse les contraintes où se déploient la liberté et son illusion ?

La révolution d'un bord sera réaction de l'autre. Rouge ou noir, ça devient gris malgré tout.

Un homme libre voit son ombre et son reflet, subjectivité précieuse. Il repère ses limites en acceptant de se duper. Il sait que sa condition lui impose d'indéfectibles frontières.

La frontière conforte l'illusion d'une unité, d'une totalité, d'une appartenance masquant la division de l'être en opérant parfois une pernicieuse division entre les êtres. Elle est frontière en soi camouflée sous la mauvaise foi sartrienne ou intouchable division de l'être freudien. Le secret verrouille et fait se taire. La mauvaise foi est le luxe le mieux partagé.

Les frontières entre les hommes confinent à l'obsession, témoins ces cyniques murs de la honte ou ces ghettos. Il s'en construit encore et plus, du Moyen-Orient aux Amériques. Ces méchantes frontières figent une identité communautaire pétrifiant les sujets. Elles fabriquent les « bons a ryen » et les saints, enracinant plus encore l'illusion groupale d'un peuple élu dont il faudrait préserver l'essence unique.

Ces frontières se légitiment de la caution des croyances en une origine mythique, de la certitude d'une vérité révélée. Elles encerclent un délire solidaire, figeant le temps et les êtres à force de terreur. Ces frontières empêchent de penser et d'entendre, de nous penser, de nous entendre, de bien nous entendre et d'entendre l'autre en soi.>> p. 10

Commentaire

Un livre de réflexions personnelles fonction des histoires de chaque auteur sur la transmission

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