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DU SITE
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La
fatigue des élites
Le
capitalisme et ses cadres
François
Dupuy
Editions du Seuil et La
République des Idées. (2005)
ISBN: 2-02-079584-1 (10,5
€)
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Dernière de
couverture
Les cadres passent
pour les « compétitifs » de
l'économie moderne, ceux à qui le
capitalisme promet l'accomplissement et la
réalisation de soi. Pourtant, ces hommes et
ces femmes dont l'entreprise attend
dévouement et solidarité, donnent
aujourd'hui le sentiment de ne plus y croire. Ils
ne s'identifient plus aussi facilement au destin de
leur société, cherchent à se
dérober aux pressions de leur environnement,
voire adhèrent aux critiques les plus
frontales du nouvel ordre économique. Bref,
ils commencent à « jouer contre »,
eux dont on croyait qu'ils joueraient toujours
« avec ». Le spectre d'une «
révolte des cadres », hier encore
inimaginable, entre peu à peu dans l'ordre
du pensable. On se prend à imaginer que le
désordre social ne surgisse pas d'une
mobilisation des « petits » contre le
capitalisme, mais du coeur même de ses
élites. Ce serait là le tribut
paradoxal d'une révolution des organisations
qui, en consacrant la domination de l'actionnaire
et du client, a progressivement privé
d'autonomie et de protection ceux-là
mêmes dont elle prétendait faire ses
messagers auprès des autres
salariés.
François
Dupuy est sociologue. Il est l'auteur de plusieurs
ouvrages, dont le Client et le Bureaucrate (Dunod,
1998), l'Alchimie du changement (Dunod, 2001) et
Sociologie du Changement (Dunod, 2004).
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Table des
matières
INTRODUCTION
5
CHAPITRE
I
La baisse
tendancielle du taux de motivation 15
CHAPITRE
II
La
déprotection des cadres 37
CHAPITRE
III
Les errements du
management 57
CHAPITRE
IV
Que faire?
75
Conclusion
93
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Un passage
<<Les
difficultés de la
coopération
Mais pourquoi la
coopération est-elle aussi contraignante et
si peu naturelle ? Pourquoi les hommes ont-ils
toujours cherché à s'en
protéger? C'est qu'elle met en situation de
dépendance alors que nous
privilégions tous l'autonomie. Elle
crée une nouvelle forme de rapports aux
autres, caractérisée par
l'impossibilité d'agir seul, par la
nécessité de composer, de
négocier, de s'affronter. Elle oblige, dans
l'action, à intégrer plusieurs
logiques, souvent antagonistes. Pour reprendre
l'exemple cité plus haut, la logique de
l'emboutisseur, c'est d'avoir le plus possible de
plaques plates, même si ceci revient à
en augmenter le nombre; celle de l'assembleur,
c'est de réduire le nombre de points de
soudure et pour cela le nombre de plaques.
Intégrer ces deux approches est par nature
conflictuel donc moins confortable que la poursuite
de sa propre logique. On anticipe aisément
à quel point l'univers taylorien est
à la fois protecteur et coûteux. Car
si les acteurs s'évitent, ne se parlent pas
ne coopèrent pas dans un
processus qui est séquentiel et non
simultané, il arrivera un moment auquel les
ajustements devront se faire. S'ils ne se font pas,
c'est la qualité qui sera
pénalisée; l'absence de
coopération se traduira par des
défauts acceptés par le client pour
autant qu'il n'a pas le choix. Si l'ajustement se
fait trop tard ou trop lentement il produira des
surcoûts ou accroîtra les
délais, conséquences tout aussi
inacceptables dans un univers ouvert à la
concurrence. C'est bien le vrai paradoxe du
taylorisme: longtemps vilipendé, il a fourni
à ceux qui travaillaient selon ses principes
une inestimable protection contre la dureté
des relations aux autres. On comprend aussi
pourquoi ceux qui travaillent encore sous ce «
régime», les fonctionnaires par
exemple, le défendent becs et ongles. Il ne
s'agit pas d'une abstraite « résistance
au changement », mais bien de la tentative de
préserver un univers raisonnablement
confortable, bâti pour ceux qui y vivent et
non pour ceux qu'il sert.
La contrainte
humaine est la seconde à laquelle toutes les
organisations ont à faire face. On y parle
d'ailleurs volontiers des « problèmes
humains », indiquant par là que tout ce
qui relève des hommes, de leurs
comportements et de leur contrôle est en soi
problématique. La définition que nous
avons donnée des organisations, comme un
ensemble de façons de travailler, pourrait
inciter à penser qu'il n'y a pas
réellement d'autres problèmes, ou du
moins pas de problèmes aussi insolubles ou
difficiles à aborder. Gérer l'humain,
l'organiser, c'est construire l'organisation dans
son ensemble, c'est-à-dire rendre possible
l'accomplissement des tâches pour lesquelles
elle a été créée.
L'enjeu est donc de taille et surtout il n'est ni
technique (ça ne « coule pas de source
») ni a fortiori scientifique comme Taylor a
pu le penser. Le choix d'une organisation est
politique, au sens où il exprime à
quels acteurs la priorité a
été donnée, quels sont ceux
dont la logique et les intérêts vont
l'emporter dans les modalités de
fonctionnement quotidien.>> p.
44-45
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