Dernière de couverture L'autorité
est en crise: ce constat, qu'il concerne la
famille, l'école, l'entreprise ou
l'État, relève aujourd'hui du sens
commun. Mais qu'est-ce que l'autorité? La
réponse n'est pas si évidente. Et on
ne peut en faire l'économie si l'on veut
dépasser le simple constat et rechercher des
solutions. Pour Gérard
Mendel, cette réponse impose le
détour par l'histoire. Tel est le premier
propos de ce livre ambitieux où l'auteur met
en évidence, de l'Inde à l'Afrique,
de l'Antiquité aux Temps modernes, un socle
anthropologique commun: pour prendre en charge les
peurs primaires de la vie, chaque
société a interposé, lors des
socialisations de l'enfance, la médiation
d'une autorité protectrice, au prix de
l'obéissance volontaire. Mais les formes de
cette médiation ont beaucoup varié:
dans les sociétés traditionnelles, la
communauté exerce une autorité de
type parental; dans les sociétés des
Temps modernes, c'est la figure du père qui
incarne l'autorité, à la condition de
prévaloir à tous les niveaux,
religieux, social, familial, et dans l'inconscient.
Aujourd'hui, en Occident, à l'heure du
déclin de la société
patriarcale, ni la communauté ni le
père ne permettent plus d'apprivoiser
suffisamment nos peurs archàiques, et c'est
l'une des raisons profondes de la crise de
l'autorité. Mais on ne
reviendra pas en arrière. Ce serait alors
à la démocratie de socialiser un peu
plus l'éternelle enfance dans l'homme, ses
peurs et sa fuite devant le réel - une
enfance qui, heureusement, est aussi à la
source de toute création. L'auteur:
Gérard Mendel, psychanalyste et
sociologue, est l'auteur d'ouvrages qui ont
trouvé un large public comme La
Révolte contre le père, 54 millions
d'individus sans appartenance. II a
publié aux Éditions La
Découverte La Psychanalyse
revisitée, La société
n'est pas une famille, L'acte est une
aventure. II est le fondateur
de la sociopsychanalyse, dont il anime plusieurs
groupes en France et à
l'étranger. Table des matières I. LES
FIGURES DE
L'AUTORITÉ 1.
L'autorité : vers une définition
consensuelle 2. Autorité
et légitimité 3. «
Soumission à l'autorité
» 4. La psychanalyse
et les deux contenus de l'autorité, ou : de
Gaulle n'est pas Hitler 5.
L'autorité, symptôme du
sentiment 6. Cultures
collectives et autorité sociale 7. Autorité
et démocratie, 8. Autorité
et transcendance, ou le temps d'un avant la
naissance 9. Une
modernité ou des modernités
? 10.
L'autorité hors la modernité: la
communauté autoritaire 11.
L'autorité et la première
modernité: Athènes, ve siècle
avant J.-C. 12.
L'autorité et la deuxième
modernité: la République
romaine 13. Saint Augustin
et l'autorité: le troisième moment de
la modernité III.
L'AUTORITÉ AUJOURD'HUI, LA
RÉGRESSION VERS
L'ARCHAÏSME 15. Retour à
la mutation augustinienne, ou quand
l'autorité s'intériorise 16.
Rationalité, acte-voiture,
autorité 17. Le
néo-management contemporain, ou
l'autorité d'aujourd'hui mise à
nu 18. L'art
contemporain : un « faire-sans » le
Père 19. Quelle «
crise de l'autorité » ? Épilogue
: Pistes et contre-pistes Index
. Un
passage
<<Une
journée dans un IUFM : Voici quelques
années, j'étais invité
à animer en province un séminaire sur
l'autorité dans deux IUFM reliés
entre eux par la vidéo. Trois cents jeunes
professeurs s'étaient préparés
à cette journée par la lecture de
textes qui leur avaient été
distribués plusieurs semaines à
l'avance. J'engageai le
dialogue en demandant à la salle de proposer
une définition de l'autorité.
Travaillant depuis trente ans sur le sujet, je fus
étonné. On me proposa en effet une
définition tous azimuts et on ne peut plus
fourre-tout. On évoqua successivement la
compétence, le savoir-faire,
l'expérience, le sens pédagogique, la
force de caractère, la capacité
à inspirer le respect et l'admiration, le
prestige, d'autres qualités encore. Bref, un
portrait de l'enseignant idéal avait
été brossé de pied en cap.
Dans ces conditions, la réponse ne pouvait
qu'être négative à ma seconde
question: un enseignant sans autorité
peut-il être un bon enseignant ?
L'unanimité fut sans faille, et pas un seul
doigt ne se leva dans le contre-vote. La
journée s'annonçait rude et raide. En
effet, aucun des termes qui venaient d'être
utilisés ne correspondait à ma propre
conception de l'autorité, hormis
peut-être, et en partie seulement, celui de
prestige. Nous mettions un contenu différent
dans l'enveloppe du même mot. De fait, la
journée fut très rude. J'avais beau
multiplier les exemples les plus concrets, varier
les approches, mes propos, au-delà de
l'incompréhension manifestée par les
questions adressées en retour,
éveillaient, je le sentais, une opposition
sourde mais tenace. Ironie de la situation : la
place d'autorité que j'occupais
m'évitait des réactions plus vives.
Pour une fois, l'autorité me
protégeait. Les semaines qui
suivirent, je tirai deux leçons de cet
échec. La première concernait
l'école. Longtemps après Mai
68,l'autorité restait d'évidence le
maître mot de la culture transmise aux jeunes
enseignants ; la greffe de l'autorité
traditionnelle semblait ici avoir prise.
D'où, en contrepoint, leur désarroi
à évoquer un manque de
considération des élèves
à leur égard, voire le refus
d'obéir. Tout au long de la journée,
on n'avait pas cessé de me presser de
fournir des recettes psychologiques propres
à faire plier des récalcitrants de
plus en plus nombreux.>> (p.22)
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