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DU SITE
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Une
journée d'un professeur de FLE en
Italie
Claire
Boutonnet
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Buongiorno!
Française
et enseignante de FLE ( français langue
étrangère) à Terni, au coeur
de l'Ombrie ( à 90 km à l'est de Rome
), je vais essayer de vous raconter ma
journée type...ou plutôt mes
journées types car je dois courir beaucoup
et accepter toutes sortes de contrats avec les
écoles italiennes afin de gagner à
peu près le SMIC français chaque
mois. ( et je suis au chômage
l'été ! )
En
effet, bien que insérée
depuis 14 ans dans les listes de
l'Académie locale en tant que prof
de" conversation française" (
ex-lectrice...) et en première
position ds la région de Rieti, je
n'ai pas assez d'heures de cours pour
gagner ma vie. J'accepte donc des contrats
privés avec les collèges et
les lycées d'octobre à juin
aux conditions variées et multiples
et rigoureusement sans contributs
sanitaires ( la fameuse Sécu en
France ! ) suivant les budgets des
établissements. Je suis à la
fois lectrice et enseignante de
français dans la même
journée suivant le type de contrat
que j'ai signé avec les
écoles:
Je
travaille dans une école
primaire à Narni ( à 15
km de Terni ) où je suis des
enfants de 9 ans depuis 3 ans et qui
étudient le français en 2
ème langue, l'après-midi,
une fois par semaine en plus de leurs 3h
d'anglais le matin...
C'est
léger, sans prétention, on
joue beaucoup et on a même fait des
crêpes pour Carnaval!
(
En Italie, les enfants n'ont cours que le
matin de 8h 10 environ à 13h15 et
même 13h 40 dans certains
lycées; ils ont cours
l'après-midi une fois par semaine,
sauf dans une minorité d'
écoles où le " temps-plein "
existe tous les jours.)
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Je suis
maquillée en "renarde "
lors
d'une animation sur le thème de la
fable à l'école
primaire
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J'enseigne
aussi comme lectrice à
Poggio-Mirteto, une petite ville près de
Rome, en Sabine, officiellement nommée par
l'Académie, 4h par semaine dans un
lycée linguistique auprès d' ados de
seconde à la terminale. ( En Italie le
collège ne dure que 3 ans et dès
l'âge de 13 ans les jeunes doivent se
spécialiser et choisir leur lycée qui
durera 5 ans, ils passent donc leur bac à 19
ans, un an après les
français.)
Je dois
m'adapter aux exigences du prof avec qui je suis en
co-présence, épauler son cours sans
lui faire de l'ombre, très peu de grammaire,
mais beaucoup d'actualité, de jeux, de
conversation... il faut se mettre à jour
sans cesse et vivifier des leçons bien
souvent livresques et ennuyeuses...
Je suis
aussi lectrice au collège où je
dois surtout "débloquer " les
élèves au tout début, timides
et maladroits, effrayés par la
présence d'une personne de langue
maternelle.... en utilisant aussi des chansons, des
extraits vidéo, des techniques
théâtrales pour stimuler
l'oral.
Je me sens
à mi-chemin entre l'animatrice, l'actrice et
l'enseignante... et malgré mon
expérience de comédienne ( j'ai
monté de nombreux spectacles en langue
française ici de 1991 à l'an 2000
avec des adultes bilingues pour les écoles )
et d'animatrice radio, l'énergie et la
fantaisie me manquent de plus en
plus....
J'AI PERDU LE FEU
SACRE. Les classes sont très nombreuses,
surtout aux collèges et le travail en classe
de langue en souffre. Il faut faire la police avec
des élèves peu ou pas
scolarisés, peu concentrés ou
même mal élevés, qui n'ont
aucune curiosité
intellectuelle...
Je
me détends un peu lorsque j'entre au " liceo
classico" ( section lettres classiques:
italien-latin-grec) où j'enseigne 9 h par
semaine dans 2 classes d'une section
expérimentale à qui on a
retiré 1 heure de latin,1 h de grec et 1h
d'italien par semaine afin qu'ils puissent
étudier le français et
l'anglais.
Avec eux, je
prépare un séjour linguistique au
Collège International de Cannes pour le mois
de mai prochain, un échange avec une classe
de Saint-Ouen, banlieue de Paris jumelée
avec Terni pour septembre, on travaille sur le
cinéma français, on lit des
poèmes à haute voix, on utilise la
caméra vidéo, Internet, on
prépare le DELF 1 et 2.....
J'y ai aussi
un cours de français facultatif
l'après-.midi, pour toutes les autres
sections pour aider ceux qui veulent à
passer le DELF 1 et 2 que l'on présente
à l'Alliance Française de ROME,
chaque année.
BREF...23
h de cours par semaine,tous les matins et 2
après-midi, avec des élèves de
9 à 19 ans, dans 3 villes
différentes, ....
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Lectrice au
collège, en co-présence avec le
professeur de français
italien
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UNE
JOURNÉE TYPE :
Le réveil sonne à 6 h 45... et
si j'oublie de me lever, l' énorme chantier
qui se trouve sous mes fenêtres depuis 3 ans
me le rappelle bruyamment.. .je vis à Terni,
ville moyenne ( 100.000 habitants) au coeur de
l'Italie, à 90 km de Rome.
Ville ouvrière durant tout le 20 ème
siècle qui créa et transforma l'acier
en canons pour Mussolini.... et qui subit un fort
déclin industriel comme tous les foyers de
sidérurgie lourde en Europe. Encore
récemment au centre de l'attention nationale
car une partie de ses usines devait fermer et donc
plus de 1000 ouvriers risquaient de se retrouver au
chômage...
La ville se métamorphose, développe
le tertiaire, ouvre et ferme de (trop) nombreux
magasins où personne n'achète... Le
tourisme reste périphérique... et
visite Assise, Pérouse, Spoleto,
Orvieto...et rapidement les plus hautes cascades
d'Europe qui se trouvent pourtant à 5 km de
TERNI...
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Mais c'est aussi une ville à grandeur
d'homme, accueillante, assez verte et calme. En 1 h
de train on arrive à Rome et il y a
même beaucoup de gens de Terni qui vont y
travailler tous les jours.
En
général, je ne vois personne de ma
famille si tôt le matin... Mauro, mon mari,
grogne et se rendort à côté de
moi même s'il sait que dans une demi heure,
c'est lui qui devra réveiller nos 2
garçons de 7 ans et 4 ans, les
préparer, les faire déjeuner et les
accompagner à l'école qui ,
heureusement se trouve à deux pas à
pied car nous habitons en plein centre
ville.
Je déjeune bien, je prends mon temps et ce
sera le seul moment silencieux et solitaire de ma
journée; je n'ai pas cédé
à la mauvaise habitude italienne de boire un
premier café noir brûlant et de
déjeuner plus tard au bar, debout et
à toute vitesse même si les capuccini
sont divins en Italie !!
Je prends mon bus tout près de chez moi
à 7h35: première destination, le
collège où je suis prof et non
lectrice.
Je retrouve dès 8h 05 une
sixième très nombreuse ( 33
élèves !) puis une 5 ème ( 29
élèves ) que je connais depuis l'an
dernier.
C'est un collège à cheval entre la
banlieue et la proche campagne... 20%
d'immigrés assez récents surtout
d'origine albanaise dont les parents sont
analphabètes, ou d'origine humble; à
part quelques exceptions, ce sont des enfants peu
suivis, agités, limite cas sociaux pour
certains et j'ai beaucoup de mal à retenir
leur attention plus de 10 minutes par exercice.. il
faut donc ruser, inventer des jeux, des "concours "
avec équipes de 10, pour tester leurs
connaissances.
Je sors de là sans voix et
déjà vidée à 10h du
matin ! Je reprends un bus ou bien une
collègue me raccompagne au centre en voiture
et, j'ai même le temps d'acheter mon pain et
des fruits frais que je laisse dans un coin de la
salle des profs et j'enchaîne avec 2 h de
cours au Classico , le lycée où on a
créé une section expérimentale
Lettres-classiques et langues,
anglais/français.
Les 2 classes sont toujours aussi nombreuses mais
les élèves ont entre 14 et 16 ans et
se comportent beaucoup mieux ! J'ai enfin du
plaisir à transmettre sans devoir hurler ou
jongler avec les exercices... on se prépare
au DELF du mois de mai prochain qui aura lieu
à l'Alliance Française de Rome en
écoutant un dialogue et en répondant
aux questions... dans l' autre classe, on essaie de
créer des jeux de rôles à
partir de textes de Prévert. On rit , on se
sent complices et l'heure passe très
vite.
Il est 13h.
Aujourd'hui, j'ai le temps de déjeuner
à la maison où je retrouve mon mari;
Mauro est avocat et enseignant lui aussi de droit
et d'économie mais à mi-temps dans un
lycée à section industrielle . C'est
le premier qui rentre qui fait la cuisine ou bien
on finit les restes de la veille.. .les enfants
mangent à l'école car ils sont
inscrits au "temps-plein " et ne sortent
qu'à 16 h 15. C'est le seul moment où
je vois Mauro un peu tranquillement; on se raconte
nos matinées, on lit le courrier, on
replanifie la semaine car il faut aussi tenir
compte des réunions en plus, des conseils de
classe, des rendez-vous qu'il prend à
l'extérieur en tant qu'avocat,
etc...
A 14h 20
je repars en bus pour Narni ( 15 kms ) où
j'enseigne le français à de jeunes
enfants de l'école élémentaire
( CM1) alors qu'ils ont déjà 3 h
d'anglais par semaine le matin. L'ambiance est
ludique, ils sont bruyants et déjà
fatigués mais très affectueux et
démonstratifs. Pour Carnaval on a fait des
crêpes ensemble; on joue et on apprend
à compter en chantant: 1,2,3, nous irons au
bois,par exemple...
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A 16h30,
la cloche sonne enfin et je repars à Terni
avec une collègue en voiture.
C'est Mauro qui est allé chercher les
enfants à l'école, on a rendez-vous
à 17 h devant la salle de gym où
Fabio, le plus grand a son cours de basket. Je vois
enfin mes enfants et ma 2 ème journée
de travail commence : celle de
maman...bilingue. En effet je ne parle que
français à mes deux garçons,
j'y tiens beaucoup mais eux me répondent
dans la langue qu'ils veulent, selon l'humeur et la
volonté.
Il m'arrive cependant de terminer la journée
en donnant un cours de français en
période d'examens à des anciens
élèves devenus étudiants
à Pérouse ou à
Rome.
Et après avoir consacré un peu de
temps à nettoyer la maison, à
repasser mon linge et à préparer le
repas du soir, je fais dîner les enfants de
bonne heure ( vers 19h15 ) et je les laisse jouer
dans leur chambre ou sur l'ordinateur. J'attends
Mauro pour dîner mais il rentre parfois vers
21h de son cabinet ou des cours du soir qu'il donne
aux adultes. Il rentre souvent au moment où
les enfants se couchent, heureusement qu'il les
voit tous les matins...
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Les célèbres
Cascades des Marmore
( 365m de chute )
près de Terni en
Ombrie
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Et il me reste enfin un peu de temps à
moi entre 21h30 et 23h30 pour lire, regarder un
film, préparer mes cours ou utiliser
l'ordinateur... puis je m'écroule
!
Je me sens un peu la "femme-orchestre " de la
langue française, qui, je dois le dire, a
connu un fort regain ici en Italie grâce au
projet " Lingua 2000" européen.
Mais je me sens aussi bien seule, malgré les
efforts et le soutien de quelques collègues
françaises dans mon cas, avec qui je
rivalise d'imagination pour intéresser ces
jeunes italiens, fils de l'ère
berlusconienne à autre chose que les 3 "i"
chers à notre premier ministre : Inglese,
impresa et informatica! ( anglais, entreprise et
informatique ) et à la
télé-poubelle, "reality-show"...! Il
faut aussi lutter à armes inégales
contre la puissance des moyens de la langue
anglaise qui est omniprésente et beaucoup
plus attrayante même pour de jeunes italiens,
nos "cousins linguistiques "...
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Janvier 2012:
Heureusement ma situation a évolué
depuis février 2003, date à
laquelle j'avais écrit cette page. J'ai
été titularisée en 2007
à Rome ,cependant
il me faut 2 heures
de transport (train +RER) pour atteindre mon
lycée spécialisé dans le
tourisme.(et 2 h retour quand tutto va
bene
mais avec les transports
italiens
c'est rare !)
Le travail est agréable, les
élèves , surtout des filles entre 15
et 20 ans ne posent pas de gros problèmes
malgré leur banlieue d'origine assez
difficile. Je suis leur prof de conversation
française, c'est-à-dire en
co-présence avec le prof italien (mais pas
toujours) nous insistons surtout sur l'oral, la
prononciation, la situation simulée comme
dans une agence de voyage, au guichet, au
téléphone afin que ,dès leur
bac en poche, elles soient capables d'affronter le
monde du travail. Pas de bla-bla ni de
littérature mais des cours de
géographie, de technique du tourisme,
gastronomie et civilisation, histoire de l'art, du
concret en somme !
Mais
(il ya toujours un MAIS),alors que
j'avais poussé un soupir de soulagement, me
croyant ENFIN fonctionnaire à vie de la
Pubblica Istruzione, voilà que le sieur
Berlusconi et sa clique décident de
supprimer les postes de " conversateurs de langue
maternelle " (lecteurs) dans les lycées
techniques comme le mien. On ne travaillera plus
que dans les lycées linguistiques qui
devront absorber tous les titulaires dans mon cas
(anglais, espagnol français et allemand )
qui enseignent en Italie, au détriment bien
sûr des collègues précaires
(maitres-auxiliaires) qui n'auront plus l'occasion
de travailler, sinon lorsque nous tomberons malades
ou irons en maternité
C'est scandaleux
! A l'heure européenne, on coupe les budgets
de la formation et c'est toujours la seconde ou
troisième langue vivante qui est
pénalisée. J'attends donc ma mutation
le cur gros.
C'est aussi pour cela que je ne saurais conseiller
les dizaines d' étudiants ou prof de FLE qui
m'écrivent chaque année pour me
demander comment enseigner le français en
Italie.
Les Alliances Françaises payent très
mal et du côté de l'école
publique, où je suis entrée in
extrémis, c'est un vrai parcours du
combattant.
Enfin, restons zen
essayons d'enseigner notre
belle langue le mieux possible vu qu'avec la
réforme des retraites , je dois travailler
jusqu'à 69 ans !! Cordiali
saluti.
Claire
Boutonnet: b.claire@libero.it
ALORS LONGUE VIE AU FLE ET
A TOUS SES ARTISANS DANS LE MONDE....
AMICALEMENT
Voir aussi:
Romans
policiers par un prof FLE
d'Italie
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