Guy Pouzard
(Inspecteur
Général Honoraire) À
l'encontre de beaucoup d'objets techniques
maintenant bien connus, sinon bien
maîtrisés, l'informatique,
surtout quand elle est associée aux
technologies d'information et de
communication soulève des questions
d'une telle ampleur qu'elles touchent aux
fondements même des
sociétés, en particulier des
sociétés qualifiées
de démocratiques.
Jusqu'alors, les
questions mises en avant sont la plupart du temps
des questions d'ordre technique :
Savoir " surfer ", savoir " envoyer un courrier
électronique " et bien d'autres encore. Ces
questions sont certes importantes et peuvent
justifier à elles seules que l'on
s'intéresse de près à la
formation et mieux encore à
l'éducation. Mais, déjà dans
son film " futuriste " 2001 l'Odyssée de
l'espace, Stanley Kubrick avait, comme d'autres
mais d'une manière encore plus frappante,
mis en avant dans ce qui n'était alors qu'un
film d'anticipation, la possibilité de la
prise de pouvoir de l'ordinateur sur la
volonté humaine. Dire que l'anticipation est
devenue réalité serait sans aucun
doute exagéré. Et pourtant
!
C'est bien
parce qu'il y a des dangers véritables
qu'il est nécessaire de voir pourquoi il
est indispensable, plus que jamais, de lancer dans
notre pays, dans tous les pays, les fondements
d'une culture " informatitionnelle ".
Une démocratie représentative
consiste en des délégations
volontaires de pouvoir par les citoyens à
leurs représentants et ceci à tous
les niveaux de l'organisation de la
société. Cette
délégation de pouvoir se fait
essentiellement par l'intermédiaire du vote
et chaque citoyen a le droit de savoir comment il a
voté et si son vote a bien été
comptabilisé. C'est bien là que
résident les difficultés dans
l'organisation des consultations électorales
qui doivent pour le moins tout à la fois
préserver le secret du vote de l'individu et
la " transparence " collective du scrutin. Pour le
moins car l'acte de voter, s'il est
nécessaire est loin d'être suffisant
pour l'exercice d'une démocratie
véritable. L'objectivité et
l'honnêteté de l'information,
l'absence de manipulation et de pression physique
ou morale sont des éléments tout
aussi importants.
En matière d'informatique et de
TIC, le citoyen a-t-il vraiment pris
conscience qu'il accepte une
véritable délégation
de son pouvoir à l'ordinateur ? au
réseau ? L'exemple encore
récent du " vote
électronique " dans certains
états de pays démocratiques
est frappant. On autorise le citoyen
à voter, c'est à dire
à appuyer sur un (ou plusieurs
bouton(s)). A lui seul cet acte est
supposé représenter le
summun de la démocratie. Mais, quid
de la suite ? Comment le citoyen sait-il
ce que devient véritablement le
vote qu'il a délégué
à la machine s'il n'y a pas, et en
l'occurrence il n'y a pas, de trace de son
" bulletin électronique "
?
Peut-il se fier
aveuglément à la
machine sur la seule parole d'un
constructeur ou d'un concepteur
(développeur) d'un
logiciel dont on aura pris grand
soin de ne pas communiquer les
codes sources, business (?)
oblige. Un constructeur qui
pourrait même faire partie des
soutiens à l'un des candidats ? Il
semble bien pourtant qu'une grande partie
de la population soit prête à
accepter ce déni de
démocratie. Par confiance aveugle
dans la technologie ? Par ignorance ?
Trouve-t-on démocratique dans un
scrutin " classique " de ne pas savoir ce
que deviennent les bulletins ? Que l'un
des candidats puisse emporter des urnes
non scellées chez lui avant le
dépouillement ? C'est bien pourtant
ce que peut cacher le vote "
électronique ". On doit admettre
qu'à moins de supposer que le
hasard fait toujours bien les choses, il y
a un risque majeur dans la
délégation de pouvoir
à une machine capable d'agir
à l'insu de
l'utilisateur. L'exemple du vote,
pour fondamental qu'il soit, n'est malheureusement
pas unique.
On peut s'en rendre compte de plus en plus
souvent puisqu'il y a de plus en plus de citoyen en
mesure d'utiliser " aveuglément " ce que
certains appellent de " simples outils " mais
combien dangereux. Est-il normal par exemple que
dans un pays qui se veut démocratique (le
nôtre par exemple) l'accès à de
très nombreux services encore publics
(essayer d'envoyer une lettre recommandée
par la poste électronique) ne puisse se
faire qu'avec le navigateur, pour l'heure encore le
plus répandu, d'une société
qui a réussi à imposer son
système d'exploitation à presque
toute la planète ? On nous répond :
c'est le plus répandu, cela coûte trop
cher pour développer sur d'autres
plate-formes, ou d'autres arguments fallacieusement
économiques. L'école,
hélas, n'y échappe pas non plus.
Les difficultés rencontrées par les
utilisateurs de systèmes d'exploitation "
minoritaires " dans le système scolaire
lui-même pourraient servir, si besoin en
était à illustrer une situation
parfois ubuesque quand elle n'est pas
cauchemardesque ou même comme dirait certain
" abracadabrantesque ". Ici encore, même s'il
commence à se dissoudre lentement, le refus
d'ouvrir les systèmes correspond à
une délégation aveugle de pouvoir.
Aveugle et malheureusement consentie par beaucoup
de ceux dont le métier devrait être
d'ouvrir les esprits et non de les enfermer dans un
système de pensée unique.
À la lecture de ces quelques lignes
on peut voir si l'on veut bien en accepter
le bien fondé, que l'apprentissage
de la technique, pour important qu'il
soit, reste secondaire, ou plus exactement
est rendu indispensable par la
nécessité première de
ne pas confier aveuglément trop de
pouvoirs à la
machine.
Pour bien éduquer, un
maître, parce que
l'éducation consiste
à déléguer
une partie de ses pouvoirs aux
élèves, doit
comprendre ce qui se passe " dans
leur tête ". C'est une
donnée essentielle de
l'exercice du métier
d'enseignant.
Il faudra bien admettre rapidement que
le développement d'un minimum de
culture " informatitionnelle " ouverte (et
c'est en cela que le travail des
développeurs des logiciels libres
doit être soutenu car il est
capital), est nécessaire dans tout
pays qui se veut ou se dit
démocratique. Ce
développement est d'autant plus
indispensable que les TIC envahissent
à très grande vitesse la vie
de tous les jours, que la "
e-société " est en passe de
remplacer l'avènement ce que l'on
croyait être la
société de l'information et
d'effacer l'utopie de la
société de la connaissance
pour la remplacer par une
société où
l'inégalité risque si l'on
n'y prend garde d'être la
règle. <<Ce qu'il ne
faut pas oublier c'est que dèrrière
la machine il y des personnes. Eduquer avec les
technologies suppose de mettre en place une
médiation humaine adéquate, c'est
seulement à cette condition, à mon
sens, que le pouvoir ne sera plus attribuer
à la technique mais à l'humain qui se
trouve dèrrière son clavier. A ce
titre, je conseille la lecture de l'ouvrage de
Monique Linard, Des machines et des hommes,
apprendre avec les nouvelles
technologies.>> <<je vis avec
1pompe à insuline interne
(réservoir,pile litium,micro
procésseur) et la machine semble prendre le
pouvoir sur mes fonctions vitales par moment...les
médecins sont septiques et je me pose des
tas de questions.>>
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