A) LA
CROISSANCE ECONOMIQUE
A1. Quelques
repères théoriques
Selon
la définition classique de François
PERROUX , la croissance économique est
:
"
l'augmentation soutenue pendant une
période longue d'un indicateur de
production en volume,
l'indicateur retenu
étant le produit intérieur
brut (le PIB), la croissance du PIB par
habitant mesurant la croissance du niveau
de vie ".
Au sens strict, la croissance décrit
un processus d'accroissement de la seule production
économique. Elle ne renvoie donc pas
directement à l'ensemble des mutations
économiques et sociales propres à une
économie en expansion. Ces transformations
sont conventionnellement désignées
sous le terme de développement
économique.
La croissance transforme la vie des
individus en leur procurant plus de biens
et de services. Le développement
est un changement social modifiant le
niveau et le mode de vie des
individus.
La
croissance provient de 3 facteurs qui
généralement se combinent :
-
l'augmentation du travail,
- celle
du capital
- et
celle de la productivité du
travail, celle-ci résultant
essentiellement du progrès
technologique : innovation technique,
innovation des produits et innovation
des processus de production.
La croissance économique
n'est pas seulement un simple
accroissement des volumes produits mais
résulte surtout des
innovations qui permettent
l'enrichissement des biens et services,
c'est-à-dire leur sophistication,
leur variété, leur
performance, leur fiabilité et leur
adaptation à des besoins
nouveaux.
|
|
Historique:
Il est généralement reconnu
que le niveau de vie des humains de l'ensemble du
globe n'a que faiblement évolué de
l'antiquité au XVIIIème
siècle, si l'on excepte la croissance
dégagée en Europe entre le
Xème et le XIIIème siècles,
d'ailleurs annulée par les
épidémies et les famines des XIV et
XVèmes siècles.
La croissance économique qui s'est
développée à partir du
XIXème siècle, essentiellement en
Europe de l'Ouest, est donc un
phénomène récent,
géographiquement limité, et sans
précédent historique, excepté
la période relativement courte du
Xème au XIIIème siècles en
Europe. Il convient de noter que cette croissance
s'est accompagnée d'un processus de
paupérisation pour les paysans ayant
quitté leurs terres pour rejoindre les
usines et pour lesquels le départ de leur
communauté d'origine a créé
une rupture des solidarités
traditionnelles.
En 1913, le PIB français
par habitant était de 3.485 US dollars
valeur 1990. En 1998, il était de 19.558 US
dollars, le taux de croissance annuel moyen sur la
période ayant été de 2 %. S'il
avait été de 1 %, le niveau de vie
par habitant aurait été de 8.199 US
dollars, soit un peu moins que le niveau de vie
réel de l'Uruguay (8.314 US
dollars).
Les
déterminants essentiels de la croissance
depuis le XIXème siècle ont
été essentiellement :
o La
liberté d'entreprendre et la
liberté de circulation des idées,
des personnes et des biens.
o
L'élévation du niveau
d'instruction des populations.
o Le
progrès technique qui a permis tout
à la fois d'augmenter la
productivité du travail, et de
développer les innovations techniques
dans tous les domaines, qu'il s'agisse des
processus de production, du lancement de
nouveaux produits, et de la construction de
grandes infrastructures.
Au-delà des
considérations théoriques,
on peut considérer que la
croissance économique, dans son
acception actuelle purement quantitative,
est essentiellement une " croissance
d'accumulation de biens et de services
".
A2. La critique
de " la croissance économique d'accumulation
"
A2.1 La
croissance repose sur l'utilisation
massive de ressources
épuisables
dont il n'est pas sûr qu'elles
puissent être remplacées par
d'autres ressources, étant
précisé en outre que
l'exploitation des ressources
épuisables provoque souvent des
dérèglements majeurs de la
biosphère : Changement climatique,
appauvrissement des ressources naturelles,
contamination chimique de l'environnement
et des êtres etc. Nous contractons
ainsi une dette croissante à
l'égard des
générations futures en ce
que nous reportons sur elles les passifs
correspondant aux destructions et
dérèglements causés
par notre type de croissance. Il faut y
ajouter que l'épuisement des
ressources pose le problème de
l'accès à ces ressources
pour tous, d'où des conflits
majeurs qui peuvent conduire à des
phénomènes de
décroissance, voire de
récession.
|
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A2.2 La critique
du PIB :
Celui-ci est un indicateur
incertain. Comparer la valeur de la
production entre 1800 et aujourd'hui n'a
guère de sens puisque les produits
sont très différents.
D'autre part, le PIB ne mesure pas ou mal
l'économie informelle, ne prend pas
en compte les productions domestiques (se
marier avec sa cuisinière, disait
Alfred Sauvy, fait baisser le PIB), ni les
destructions de richesses ni les
coûts induits, alors qu'il
croît avec l'activité de
reconstruction et de reconstitution.
Enfin, le PIB ne mesure pas le
développement humain, ni ne prend
en compte les phénomènes de
paupérisation qu'entraînent
souvent les mutations
techniques.
|
De nombreux exemples peuvent
être cités : la comparaison
du prix de l'électricité
d'origine nucléaire avec celui de
l'électricité d'autres
origines est purement théorique si
ne sont pas pris en compte (entre autres
facteurs) un coût tel que celui du
stockag et du retraitement des
déchets ni l'avantage que constitue
le fait que l'énergie d'origine
nucléaire émet moins de gaz
à effet de serre que l'utilisation
de matières fossiles. La
destruction de La Nouvelle Orléans
par le cyclone Katrina n'est pas
considérée comme une
destruction de richesses alors que sa
reconstruction contribue à la
croissance du PIB.
Enfin, la croissance mesurée
par le PIB n'est que quantitative alors
qu'une approche qualitative prendrait en
compte le bien-être des populations,
la santé des
écosystèmes, le
développement humain et la
santé sociale.
|
A2.3 La croissance
est-elle toujours source de satisfaction ?
La croissance économique crée
des bouleversements sociologiques, politiques et
écologiques qui sont souvent sources
d'insatisfactions :
o
Bouleversements sociologiques : les exodes
ruraux, les grandes innovations (les
transports, les nouvelles technologies de
l'information et de la communication
)
créent de grandes
inégalités et de grandes
transformations des rapports sociaux qui sont
perçues, au départ et
durablement, comme une somme de
nuisances.
o La
croissance des économies occidentales
s'est appuyée en partie sur les
exploitations coloniales et
néo-coloniales : contrôle et
captation des matières
premières, exploitation de la main
d'uvre, soit par l'effet de " la traite
", soit par l'immigration dans les pays
colonisateurs d'une main d'uvre docile
et bon marché, constitution de
marchés captifs au
bénéfice de " la
métropole "
o La
révolution industrielle et la
formidable croissance qui en a
découlé sont à l'origine
des bouleversements climatiques
constatés aujourd'hui.
o La
croissance économique crée,
selon les lieux et les peuples, de nouvelles
inégalités.
B) LA
DECROISSANCE ECONOMIQUE :
B1.
Les prémisses
B1.1
MALTHUS
:
Dans son " Essai sur le principe de
population " (1798), Malthus explique que
la population croît plus vite que la
production des subsistances qui lui sont
nécessaires et qu'il convient de
réduire la procréation des
classes pauvres de la population. A sa
suite, certains préconiseront un
certain nombre de limitations à
l'activité humaine pour des motifs
divers : limitation de certaines
productions afin de limiter la concurrence
et l'effondrement des prix,
protectionnisme, instauration de numerus
clausus, etc.
|
|
|
B1.2
LE
CLUB DE ROME :
En 1968, une équipe
pluridisciplinaire du MIT commence
à élaborer un premier
rapport paru en 1972 qui souligne les
dangers écologiques et
l'épuisement des ressources
naturelles qu'entraîne la croissance
économique. Le Club de Rome ne
préconise pas officiellement la
décroissance mais la Croissance
Zéro, car, pour lui, la croissance
est un facteur essentiel de l'aggravation
des dérèglements
planétaires (pollutions,
pénuries de matières
premières, destruction des
écosystèmes). Le Club de
Rome annonce un futur plutôt
catastrophique pour l'humanité, si
cette dernière continue à ne
pas se préoccuper des
conséquences de ses
activités sur l'environnement et
sur le volume des ressources naturelles
disponibles.
|
B1.3
IVAN
ILLICH :
A la même époque,
(années 1960/1970), ce penseur
d'origine autrichienne s'est fait le
critique radical de la
société industrielle,
prônant " le mode de production
autonome " opposé " au mode de
production hétéronome ", ce
dernier s'étant substitué au
premier pour des raisons
d'efficacité. Pour Illich, cette
voie est une impasse : le recours
croissant aux marchandises ne permet pas
de satisfaire les besoins humains
réels mais engendre une demande
encore plus grande de marchandises. Il
s'agit " d'une inversion de sens ". Plus
n'est pas synonyme de mieux. Vient un
moment où la marchandise, d'objet
de libération, devient objet
d'aliénation. Illich se fera le
chantre d'une société douce,
conviviale et frugale.
|
|
|
B1.4
NICHOLAS
GEORGESCU-ROEGEN
:
Dans les années 1970/1980,
cet économiste roumain émet
une thèse selon laquelle la
croissance, qui relève du
modèle de l'économie
classique basé sur le paradigme de
la mécanique newtonienne, ne prend
pas en compte le principe de la
dégradation de l'énergie et
de la matière. Selon lui, la
tendance générale de
l'évolution du monde est celle de
la dégradation inexorable des
matières et de
l'énergie.
Les
tenants de la décroissance en
tireront 4 conclusions :
|
· Le
fonctionnement du système économique
actuel dépend essentiellement de ressources
épuisables dont la consommation
s'accélère.
·
Il n'y a pas de preuve d'un découplage
possible entre la croissance
économique et la croissance des
impacts technologiques.
·
L'accroissement de la richesse marchande se
fait au détriment d'autres richesses :
la santé des
écosystèmes, la qualité
des rapports entre les citoyens, le
caractère démocratique des
institutions.
· Les
sociétés occidentales se
caractérisent notamment par
l'augmentation de biens matériels, au
détriment de la qualité de la
vie (silence, air non pollué, eau
pure) sans prendre en compte les frustrations
subies par les populations exclues de
l'abondance, tant au sein d'elles-mêmes
que dans les pays du Sud.
B2. Les tenants
de la décroissance, " les
décroissants "
B2.1 Les facteurs mis en
avant :
-
L'épuisement des ressources
énergétiques : pétrole (pic
pétrolier devant intervenir entre 2008 et
2040), gaz (pic prévu en 2080), uranium
(pic prévu en 2060), charbon (pic
prévu en 2200) au rythme actuel de
consommation.
- La
raréfaction de nombreuses matières
premières (cuivre, fer, iridium
etc.)
- La
dégradation de l'environnement : effet de
serre, dérégulation du climat,
perte de la biodiversité, pollutions en
tous genres.
- La
dégradation de la santé : flore,
faune et de l'humanité elle-même
(stérilités, allergies,
malformations etc.)
-
L'évolution du mode de vie des pays du
Nord se fait au détriment des pays du Sud
: exemples : importation de soja pour nourrir le
bétail (7 calories
végétales pour 1 calorie animale
d'origine bovine), privation d'énergie
pour le Sud, exploitation des ressources des
pays du Sud au détriment de leur
autosuffisance, etc.
B2.2 Les
préconisations des " décroissants
"
On doit distinguer
plusieurs courants de pensée favorables
à la décroissance.
B2.2.1
Les " décroissants purs et durs "
:
Ils sont en rupture avec le
système économique actuel et
se présentent comme des
anticapitalistes. Ainsi, Paul ARIES dit
qu'il s'agit de " pulvériser la
pensée économique ", Serge
LATOUCHE préférant au terme
de décroissance celui de "
a-croissance ". Il s'agit pour ce dernier
de sortir de l'économie, d'aller
vers " l'après développement
", ce qui aboutit à remettre en
cause les catégories de base de
l'économie : l'argent, le salaire,
la valeur d'échange, le
marché, le profit, les prix, " les
lois économiques ". Jean-Pierre
TERTRAIS, pour sa part, parle " de la
nécessité de sortir de
l'impasse suicidaire du capitalisme
".
Une tendance libertaire se joint
à cette conception anticapitaliste
et affiche sa volonté de changer
radicalement les structures
économiques et sociales. Pour eux,
le mécanisme capitaliste de la
plus-value est à la base de la
surproduction et de la destruction des
écosystèmes.
Ces " décroissants purs et
durs " plaident pour un changement
radical, excluant des orientations
relevant du " développement durable
" dont ils nient qu'il puisse se
réaliser.
B2.2.2
: Les tenants de la " décroissance
durable " ou " soutenable " :
Ils estiment que la
décroissance " durable " ou "
soutenable " sera tôt ou tard
imposée par la raréfaction
des ressources naturelles. Ils proposent
de l'anticiper de manière à
affecter le mieux possible notre
qualité de vie. Ils proposent des
démarches individuelles (la
simplicité volontaire) et des
démarches collectives de
sensibilisation de la population dont le
contenu apparaît vague sinon
inconsistant.
Au total, ces " décroissants
" s'opposent au productivisme
économique de l'ère
industrielle, mais aussi au "
développement durable " lorsqu'il
se définit comme nécessitant
une croissance durable des systèmes
de production et d'échange de biens
et de services. Pour eux, une
société qui consomme plus de
ressources ne peut pas être
respectueuse de l'environnement et sera
fatalement confrontée au manque de
ressources vitales. Ils estiment que
l'humanité doit se passer d'une
croissance matérielle
perpétuelle au profit de
réponses justes aux besoins
matériels, sociaux et psychiques
des populations, et au profit d'une
croissance partagée de la
qualité et du plaisir de vie, du
savoir et des cultures.
B2.2.3
: Les tenants de la frugalité :
Ils préconisent un nouvel
humanisme valorisant la lenteur,
l'abstinence, la convivialité. Il
s'agit de bâtir une "
société de frugalité
" selon la définition de
l'universitaire François BRUNE.
Pour Pierre RABHI, " la
société de consommation
engendre une prospérité
malheureuse ". Le but est de passer
à une société de
frugalité mais surtout de
sobriété, où la
production et la consommation se feraient
localement. Peuvent se rattacher à
cette conception les partisans des
relocalisations.
|
Quelques
citations de "
décroissants "
·
" Celui qui croit qu'une
croissance exponentielle peut
continuer indéfiniment
dans un monde fini est un fou ou
un économiste " (Kenneth
Boulding).
·
" La décroissance ne
propose pas de vivre moins mais
mieux, avec moins de biens mais
plus de liens "
(Charte
de la
décroissance).
·
" Nul n'a besoin d'être un
économiste pour comprendre
qu'un individu ou une
collectivité tirant la
majorité de ses ressources
de son capital et non de ses
revenus est destiné
à la faillite. Non content
de piller ce capital, notre
modèle économique
fondé sur la croissance,
induit une augmentation constante
de ses prélèvements
" (Vincent
Cheynet).
·
" Les symptômes d'une crise
planétaire qui va
s'accélérer sont
manifestes. On en a de tous
côtés le pourquoi.
J'avance pour ma part
l'explication suivante : la crise
s'enracine dans l'échec de
l'entreprise moderne, à
savoir la substitution de la
machine à l'homme. Le
grand projet s'est
métaphorisé en un
implacable procès
d'asservissement du producteur et
d'intoxication du consommateur "
(Ivan
Illich).
|
|
B2.2.4 : " la techno démocratie ", une
illusion :
Les tenants de cette proposition s'insurgent
contre " le projet technicien " qui se
caractériserait par la volonté de
remplacer le tissu social, les liens de
solidarité qui constituent la trame d'une
société, par une fabrication : le
projet inédit de produire les relations des
hommes à leurs voisins et à leur
monde comme on produit des automobiles ou tout
autre produit.
Sous jacente mais implicite, cette
proposition vise une " megamachine ", autrement dit
l'Occident, le monde des gagnants de la
planète. La technique y occuperait une place
centrale, du fait qu'elle serait la forme en
laquelle s'incarne le mieux l'imaginaire du
progrès et l'idée de
modernité. Jacques ELLUL
dénonçait un totalitarisme technicien
conduisant à une société
totalitaire ; tout problème étant
technique, ne peut que trouver des solutions
techniques.
B3. Les
critiques de la décroissance
B3.1
Pierre
Antoine DELHOMMAIS,
journaliste au " Monde "
:
" les tenants de la décroissance
sont des individus habitant les régions
prospères du monde et leurs idées
correspondent à une lubie de gosses de
riches parfaitement égoïstes mais cela
va généralement ensemble. Les
décroissants se proclament humanistes mais
ils ne croient pas en l'homme. Leur pessimisme leur
fait dire que l'humanité ne sera pas assez
inventive pour trouver des énergies de
substitution au pétrole, ni assez
raisonnable pour éviter un désastre
écologique. Mais ils laissent à leur
sort le milliard d'êtres humains qui vivent
avec moins de 1 dollar par jour. En Chine, le
nombre de personnes très pauvres est
passé, grâce au boom
économique, de 377 millions en 1990 à
173 millions en 2003 et l'extrême
pauvreté sera éradiquée dans
15 ans si le PIB continue à progresser au
même rythme ".(Le Monde du
30-07-2006)
B3.2. Michel
HUSSON,
économiste à l'IRES :
" l'absence de croissance n'est pas un
moyen de relever les défis d'aujourd'hui. La
théorie de la décroissance omet
l'existence d'énergies renouvelables comme
celle du soleil mais surtout elle n'évoque
pas les conditions qui permettront de satisfaire
les besoins de l'humanité sans faire sauter
la planète. Les tenants de la
décroissance passent à coté
des moyens de satisfaire les besoins de base en
matière d'accès à l'eau, de
santé, d'éducation et de logement.
Bien entendu, il faut construire des réseaux
d'adduction, des centres de soins, des
écoles et des habitations et ce n'est
être ni occidentaliste, ni productiviste que
de souhaiter que les pays du Sud puissent jouir de
telles réalisations. Les décroissants
font preuve " d'économisme " qui tend
à donner la priorité à
l'économique sur le politique et sont en
cela semblables aux tenants de l'économie
dominante ".
Pour Michel HUSSON, il y a 3 conditions au
développement harmonieux de la
planète :
1.
Affecter les gains de productivité
à la diminution du temps de travail est
le moyen d'établir une croissance non
productiviste.
2. Au Sud, il
faut améliorer les conditions de vie et
tout particulièrement celles des
femmes.
3. Il faut
développer les transferts de technologies
vers les pays du Sud pour que ces derniers aient
accès et emploient des formes
d'énergie moins polluantes.
B3.3 La
décroissance perçue comme un "
concept rétrograde ", voire moralisant et
culpabilisateur, voire " totalitaire "
:
La
décroissance est parfois
présentée par ses détracteurs
comme un " retour en arrière "
et une " conception technophobe ".
S'y opposent les tenants de la " noosphère "
où les principales ressources seront
l'information et la culture.
·
La décroissance est souvent
perçue, notamment dans les milieux
libertaires, comme un retour aux valeurs
chrétiennes de dépouillement et de
pauvreté ; le mensuel " la
décroissance, le journal de la joie de vivre
" est critiqué pour ses positions
moralistes, voire moralisantes.
·
Les concepts de " relocalisation " et "
d'autonomie locale " mis en avant par certains "
décroissants " apparaissent comme un
repli vers une préférence locale ou
nationale, soit une forme de
protectionnisme contraire aux systèmes de
solidarité institutionnels, et comme tels,
pouvant conduire à des conflits entre les
nations, voire les régions.
·
Les " décroissants purs et durs "
apparaissent souvent comme les porteurs d'une
idéologie totalitaire. Enfermés dans
leurs certitudes, ils pourraient vouloir le
bien des gens malgré eux.
B3.4 La
décroissance est une vision niant les
capacités autorégulatrices du
marché :
Selon cette thèse, le capitalisme
permet l'arbitrage des activités humaines en
les orientant vers des ressources plus abondantes
ou, au contraire, en restreignant le recours
à une ressource qui se raréfie, et
ceci par l'effet de prix. Arguments mis en avant :
les réglementations environnementales les
plus contraignantes ont été mises en
place dans les pays riches et démocratiques.
Ce sont ces mêmes pays qui développent
et diffusent de nouvelles technologies permettant
une meilleure utilisation des ressources
économiques ou de rechercher des ressources
nouvelles. En France, c'est le Commissariat
à l'Energie Atomique (le CEA) qui est le
premier promoteur de la recherche sur les
énergies renouvelables et c'est AREVA qui a
les plus grandes ambitions dans le domaine des
éoliennes.
B3.5 La
décroissance se heurte à la critique
" tiers mondialiste " :
Beaucoup de ses détracteurs
dénoncent la décroissance comme une
idée qui est essentiellement
prônée par les enfants des classes
bourgeoises des pays développés et
par les intellectuels occidentaux à la
recherche de nouveaux cadres idéologiques
qui pourraient se substituer aux idéologies
qu'ils ont adorées mais qui se sont
effondrées. Certains " décroissants "
apparaissent trop comme les défenseurs d'un
monde, le leur, qui leur semble menacé, leur
choix aboutissant en fait à poser des
obstacles au développement des pays pauvres
qui aspirent à mettre en uvre les
moyens qui ont fait la prospérité des
pays du Nord.
C)
L'OPINION TOUTE PERSONNELLE DU REDACTEUR DE CETTE
TENTATIVE DE SYNTHESE
Avertissement : comme
toute opinion, celle du
rédacteur de cette note est
évidemment critiquable ; elle
n'est émise ici que pour
susciter le débat, le
rédacteur espérant
n'avoir pas franchi les limites de
l'acceptable !
C1. Critique des
thèses des tenants de la
croissance
A vrai dire, il s'agit surtout ici de
critiquer les ayatollahs de la croissance, les
adeptes de la croissance pour la croissance qui ne
se préoccupent ni de son contenu ni de ses
conséquences sur l'environnement mais se
soucient seulement d'accumuler toujours
plus.
C1.1 L'insuffisance du PIB
comme mesure de la croissance
Purement quantitatif, il ne prend pas en
compte l'ensemble des facteurs de destruction de
notre environnement et donc de leur coût
réel. En outre, l'obsession de la
croissance, qui rassemble la Gauche et la Droite,
est aveugle à la réalité de la
crise écologique. Or l'ampleur de la
dégradation de la biodiversité
(dégradation des océans qui sont
notre poumon, disparition des espèces tant
de la faune que de la flore, y compris dans nos
pays européens, pollution de l'air que nous
respirons etc. est sous nos yeux). Nul ne saurait
ignorer que la biosphère est un bien que
nous ne pouvons pas ne pas transmettre dans
l'état où nous l'avons trouvée
sauf à laisser sur les épaules des
générations futures une dette immense
qui ne saurait cesser de s'alourdir sans un
changement de nos modes de vie.
Il faut
néanmoins reconnaître que le PIB, pour
autant que son mode de calcul soit constant et
homogène entre les pays, peut être
révélateur d'une évolution qui
peut être significative quant à la
situation économique d'un pays, d'une zone
régionale et du monde..
Ne demandons pas plus au PIB
aujourd'hui, que ce qu'il peut donner,
mais exigeons pour l'avenir qu'il prenne
en compte tous les facteurs qui influent
sur le sort du monde. C'est possible ainsi
que le montrent les progrès
accomplis par les instituts statistiques
internationaux comme Eurostat et les
instituts de comptabilité
nationale.
C1.2 L'obsession de la
croissance relève d'une idéologie
:
Elle fait abstraction de tout contexte
social et de la répartition des " fruits de
la croissance " au sein d'un pays et dans le monde,
et de l'impact de la croissance d'un pays ou d'une
zone régionale sur les autres pays de la
planète. Par ailleurs, comment ne pas
observer que le Bureau International du Travail
(BIT) et la Conférence des Nations Unies
pour le Commerce et le Développement
(CNUCED), malgré une croissance du PIB
mondial de 5 % par an, indiquent que le
chômage ne diminue pas dans le monde ? Le FMI
et la Banque mondiale, pourtant montrés du
doigt par les alter mondialistes à travers
le monde, observent que l'élévation
du PIB ne fait pas reculer la pauvreté et
l'inégalité.
En réalité,
l'invocation de la croissance comme
remède à tous les maux, est
un moyen de ne pas remettre en cause
l'inégalité extrême
des revenus et des patrimoines et de faire
croire à chacun que son niveau de
vie va augmenter.
C1.3 La croissance ne peut
pas reposer sur une exploitation sans limites des
ressources naturelles
Loin de moi de spéculer sur
l'incapacité de l'humanité à
découvrir de nouvelles ressources, notamment
dans le domaine énergétique mais
comment ne pas tenir compte des nuisances que nous
produisons et dont nous constatons les effets sous
nos yeux ? Il ne suffira pas de trouver de nouveaux
gisements d'hydrocarbures, notamment dans les fonds
off-shore à grande profondeur, puisque, si
nous résolvions le problème de nos
approvisionnements, nous n'en serions pas moins
confrontés aux conséquences de nos
émissions de CO², qu'il s'agisse de
leurs effets sur la couche d'ozone, ou des "
pollutions ordinaires " dont nous sommes
victimes.
En outre, l'appauvrissement des ressources
vivantes, la biosphère, a des effets
redoutables car, en deçà d'un certain
niveau de régression, la reconstitution de
la ressource, notamment pour la faune, qu'elle soit
terrestre ou marine, n'est plus
possible.
Il apparaît donc bien, que
nous le voulions ou pas, qu'il est
indispensable, et ceci le plus rapidement
possible, de modifier tout à la
fois certaines formes de consommation et
certains de nos modes de vie.
C2. Critique des
thèses des tenants de la
décroissance
Je ne crois pas à la pertinence de la
thèse des " décroissants " et ceci
pour les raisons suivantes :
C2.1 Les milliards
d'hommes vivant dans la pauvreté, voire
l'extrême pauvreté, ne sauraient
entendre les arguments des " décroissants
".
Leurs préconisations n'ont, à
mon sens, aucune chance d'être
acceptées et mises en uvre. A cet
égard, il apparaît bien que les "
décroissants " appartiennent dans leur
majorité aux pays qui sont les premiers
bénéficiaires, au plan mondial, de
cette croissance qu'ils rejettent mais à
laquelle aspirent les multitudes des pays du
Sud.
C2.2 Les "
décroissants " se voient dans un monde fini,
clos sur lui-même, alors que le
progrès technique ouvre des perspectives
immenses.
Je réfute le pessimisme fondamental
des " décroissants " qui fait fi des
enseignements de l'histoire qui nous montrent
combien l'humanité a su évoluer et
s'adapter à toutes les situations selon les
époques. En fait, les " décroissants
" m'apparaissent peureux, frileux et manquant
terriblement d'inventivité et de
discernement.
C2.3 Comme Pierre RABHI,
je crois que la société de
consommation engendre une "
prospérité malheureuse ".
Qui peut croire que les gens qui, en
famille, fréquentent en fin de semaine les
galeries marchandes des centres commerciaux sont
heureux ? Mais je crois de toutes mes forces
à la liberté humaine et estime qu'il
appartient à chacun de choisir son mode de
vie et donc de déterminer son type de
consommation.
Cela étant, il nous faut admettre que
les pauvres ne peuvent décider librement de
réduire leur consommation ou de la limiter.
Comment ne pas penser à ces 400.000
personnes qui vivent dans l'immense bidonville de
la " Cité Soleil " à Port-au-Prince
en Haïti qui se partagent 52 points d'eau
quand ils sont alimentés et où
règnent une misère insoutenable et la
loi de la jungle imposée par des gangs hyper
violents ? (Voir Le Monde du 16-06-07). L'exercice
de la liberté exige des conditions de vie
décentes sans lesquelles rien n'est
possible.
Nous sommes là en face
d'un dilemme : s'il nous faut
reconnaître que la croissance
telle que la prônent les
théoriciens de la croissance
à outrance est incapable
à elle seule de satisfaire les
besoins de l'humanité, il nous
faut reconnaître aussi que sans
croissance nous sommes incapables de
mettre fin à la pauvreté
d'une grande partie de
l'humanité.
C2.4 Les tenants de " la
frugalité " sont-ils à même de
dépasser ce dilemme
?
Il me semble que la frugalité se
justifie dans une seule perspective, celle d'une
démarche spirituelle personnelle. Je pense
que la pauvreté, dans un monde riche, est un
scandale absolu et que l'aisance, voire la
richesse, même acquises honnêtement
(mais qu'est-ce que l'honnêteté si
l'on admet que le droit, dans son acception
purement juridique et légale, ne saurait se
confondre avec la justice) sont un obstacle
empêchant de rencontrer l'autre, a fortiori
le pauvre. La personne aisée, voire riche,
même si elle ne surconsomme pas et ne se
contente pas de jouir de la détention de son
patrimoine, est inévitablement lointaine des
pauvres. Sa frugalité éventuelle ne
saurait rien y changer si elle ne s'accompagne pas
d'actes véritables pour la justice. Quant
à la frugalité qui serait
recommandée aux pauvres, qu'ils
appartiennent aux pays du Nord et a fortiori
à ceux du Sud, je ne saurais l'admettre.
Alors la frugalité à titre personnel,
oui, à condition qu'elle s'inscrive dans une
démarche personnelle et collective effective
pour la justice, tant au sein de notre pays qu'au
plan mondial.
Le choix de la
frugalité me paraît tout
à fait respectable mais
relève d'une démarche
purement personnelle et ne saurait
inspirer une politique
économique et
sociale.
C2.5 Les "
décroissants " sont
divisés,
le plus souvent dogmatiques, constituant des
groupuscules qui s'opposent selon le degré
de pureté de la ligne anticapitaliste qui
est la leur et qui semble leur vraie
caractéristique. Ils semblent peu
préoccupés de concevoir et de
promouvoir une véritable alternative
à la croissance à tout va. Le " parti
de la décroissance " fondé en France
en 2006 est resté totalement absent,
incapable de faire entendre sa voix lors de la
dernière campagne présidentielle et
celle des législatives. Quant à ceux
qui se montrent moins dogmatiques, plus
mesurés, ils paraissent plus
encombrés par leurs états d'âme
que porteurs d'un véritable
projet.
C2.6 Les
"décroissants purs et durs "
sont le
plus souvent des militants qui tentent d'utiliser
les méfaits d'une croissance
débridée pour promouvoir leur lubie
anticapitaliste qui constitue leur véritable
inspiration. Critiquer le capitalisme en tant que
tel est aussi efficace que de prétendre que
la terre ne tourne pas sur elle-même. Le
capitalisme existe en soi et la seule chose qui
compte, c'est ce que l'on en fait.
Le capitalisme est multiforme, il sait
s'adapter, anticiper, évoluer, puisqu'il est
le cadre naturel et structurel de la vie
économique. L'Homme n'a jamais vécu
dans un autre cadre, à l'exception des
périodes pendant lesquelles des
idéologues l'ont convaincu de tenter autre
chose et qui se sont toutes terminées par
des catastrophes majeures.
Mais l'Homme a aussi
inventé l'Etat
démocratique pour réguler
le capitalisme, lui imposer des
règles, des limites, afin
d'éviter qu'il n'abuse de sa
force, ce processus ne devant pas
s'interrompre avant la fin du
monde.
C3. Pour une
autre croissance
C3.1 La croissance
est nécessaire
Je faisais observer au début de cette
note que le niveau de vie des humains n'avait que
peu évolué de l'antiquité au
XVIIIème siècle. Au début de
notre ère, la population mondiale
n'était vraisemblablement que de 250
millions d'habitants et n'avait pas atteint le
milliard d'habitants à la fin du
XVIIIème. Aujourd'hui, il s'agit de tout
autre chose : après avoir franchi le cap du
1,6 milliard d'habitants en 1900, la population
mondiale atteint aujourd'hui 6,5 milliards
d'habitants dont 2 milliards manquent à peu
près de tout. Le défi auquel nous
sommes confrontés est que l'ensemble de
l'humanité puisse vivre dans des conditions
décentes, sans que l'inégalité
soit trop grande entre les pays du Nord qui, les
premiers, ont connu la croissance et les pays du
Sud dont certains connaissent heureusement une
formidable croissance depuis quelques
années.
Seule la
croissance permet de créer les richesses
nécessaires pour satisfaire les besoins des
hommes, en particulier les populations innombrables
des pays du Sud.
Ces besoins sont immenses et concernent des
milliards d'hommes dans le monde. Ils
nécessitent évidemment la mise en
uvre de moyens puissants, le capital, le
travail, l'innovation qui ne sauraient se mobiliser
sans perspectives de développement comme l'a
montré la formidable croissance des pays,
d'abord émergents, qui sont maintenant en
plein développement, comme la Chine, l'Inde
et le Brésil pour ne citer que les
principaux d'entre eux.
C3.2 Le modèle de
croissance né au XIXème siècle
ne peut perdurer
Nous l'avons dit, ce modèle a atteint
ses limites sauf à mettre en danger la vie
sur notre planète. Il est hors de question
d'essayer d'obtenir des pays du Sud qu'ils
renoncent à utiliser les moyens qui ont
permis aux pays du Nord de devenir
prospères. Ils nous reprocheraient à
juste titre notre égoïsme et se
refuseront à obtempérer. Il revient
aux pays du Nord de se fixer un grand
défi.
C3.3 Pour une juste
appréciation des risques :
C3.3.1 Le
réchauffement climatique :
Dans son fameux rapport, Nicholas STERN a
montré que le principal défi auquel
nous sommes confrontés est le
réchauffement climatique que la plupart des
scientifiques expliquent par l'accumulation de nos
émissions de gaz à effet de serre, en
particulier le CO². Le réchauffement
climatique pourrait coûter à
l'économie mondiale jusqu'à 5 500
milliards de dollars, ce qui représenterait
entre 5 et 20 % du PIB mondial, voire plus, si les
gouvernements n'engagent pas des mesures
énergiques dans les 20 prochaines
années. Pour fixer les ordres de grandeur,
ce coût correspond aux conséquences
économiques et sociales des 2 guerres
mondiales et de la grande dépression de 1929
! De surcroît, le nombre de
réfugiés, victimes de la
sécheresse et des inondations, pourrait
s'élever à 200 millions de personnes.
Il faut ajouter qu'une telle catastrophe aurait
sans doute des conséquences non
réversibles qui pourraient durer pendant des
siècles.
Tous les pays seraient touchés, les
pays pauvres, plus vulnérables,
l'étant davantage que les pays riches. A cet
égard, il faut signaler que les
éléments fondamentaux de la vie pour
des pans entiers de la population mondiale
(l'accès à l'eau, la production de
nourriture, la santé ainsi que
l'environnement) seraient gravement
affectés.
Le rapport STERN, qui repose
sur des études approfondies au
plan mondial dont les conclusions n'ont
guère été
contestées, affirme que mettre
en uvre les mesures qu'il
préconise pour lutter contre le
réchauffement climatique
coûteront infiniment moins cher
que les conséquences de
l'inaction.
C3.3.2
L'épuisement des ressources naturelles
:
Il n'est pas douteux que les ressources
naturelles, en particulier celles relevant du monde
vivant, risquent de s'épuiser comme le
montre l'évolution de la ressource
halieutique qui se raréfie partout dans le
monde. Les raisons en sont bien connues : la
surexploitation et les atteintes aux milieux
naturels dues aux pollutions produites par les
activités humaines.
C3.4 Pour un nouveau
modèle
énergétique
Devant le scénario catastrophe du
réchauffement climatique, les "
décroissants " invoquent la
nécessité de la décroissance
mais ils se trompent. Le monde n'a pas besoin de
choisir entre éviter le réchauffement
climatique et promouvoir la croissance et le
développement. Au contraire, la
maîtrise du réchauffement climatique
induit une nouvelle stratégie de croissance
à long terme qui n'impose pas de limite
à la croissance dont ont
impérativement besoin tous les pays, en
particulier ceux du Sud.
Il s'agit
de développer sans tarder les technologies
propres et à grande efficacité
énergétique en matière de
production d'électricité, de
chauffage et de transport. Ajoutons que s'ouvrent
de considérables perspectives
d'activité dans la conception de nouveaux
matériaux, comme l'a bien compris le groupe
SAINT GOBAIN, dans la construction de
bâtiments économes qui pourraient
produire plus d'énergie qu'ils n'en
consomment et la construction de moteurs faiblement
consommateurs d'énergie et ne rejetant pas
de polluants.
La Confédération
Européenne des Syndicats, inquiète
des conséquences que pourraient avoir sur
l'emploi les mesures de lutte contre le
réchauffement climatique, a commandé
une étude pour apprécier ces risques.
Il ressort de l'enquête cofinancée par
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise
de l'énergie (l'Ademe) que combattre les
émissions de CO² dynamisera
l'emploi (" le contenu en emploi des
énergies renouvelables est pratiquement
multiplié par 10 par rapport aux
énergies fossiles ").
D'ores et déjà, 200 000
personnes travaillent en Allemagne dans le secteur
de l'énergie propre; ce secteur était
jusqu'à présent plutôt
occupé par des PME mais les grands groupes
allemands tels que EON, RWE, EnBW découvrent
ce secteur d'avenir qui pourrait employer 300
à 500 000 personnes en 2020 et y
investissent massivement. Il en est de même
aux Etats-Unis dont les industriels ont compris les
aspirations écologiques que manifestent de
plus en plus d'Etats tels que la Californie. Le
capitalisme sait s'adapter et discerner les
marchés d'avenir comme en témoigne
l'invention du marché du CO² dont le
principal acteur en France est la Caisse des
Dépôts et Consignations. On sait par
ailleurs que de grands groupes chinois
s'intéressent au secteur des énergies
propres. Malheureusement, on sait aussi que le
Ministère français de
l'économie a freiné AREVA dans sa
tentative de prendre le contrôle du principal
fabricant allemand d'éoliennes qui est
tombé dans l'escarcelle d'un groupe
indien.
Ce sont donc de formidables
perspectives de croissance saine qui
s'ouvrent. Il reste à souhaiter
que les pays développés
sauront réaliser le transfert
des nouvelles technologies
énergétiques dont ont
tant besoin les pays du Sud. Mais ceci
est un autre problème dont les
politiques et les citoyens devraient se
préoccuper.
C3.5 Pour une
économie non polluante
Comme dans le domaine
énergétique, de nouvelles
technologies apparaissent qui développent
des processus de production non polluants.
L'économie de la connaissance est de plus en
plus immatérielle comme l'illustre
l'émergence des nanotechnologies et des
technologies de réseaux. Il s'agit d'une
nouvelle " ère industrielle " qui est
caractérisée par la substitution
d'une fonction de service à la fonction
purement quantitative de production d'objets.
Des entreprises, telles que le groupe AIR LIQUIDE,
orientent tout leur développement dans
l'enrichissement de leurs prestations qui se
concentrent sur la génération
d'économies de matières
premières et d'énergie.
En outre, de nouvelles entreprises
apparaissent, qui se consacrent exclusivement au
traitement écologique des déchets et
des pollutions qu'elles valorisent, en les
recyclant en des matières premières
nouvelles.
Ces nouvelles activités vont permettre
de mettre fin aux pollutions qui ont mis en danger
le monde vivant. Il s'agit de les coupler avec des
politiques de limitation des
prélèvements des ressources du monde
vivant ; celui-ci pourra se redéployer, les
mers et les océans retrouvant de ce fait
leur rôle dans l'oxygénation de la
planète et la reproduction des
espèces.
Dernière vertu, mais pas la moindre
pour nos sociétés, de la mise en
uvre de ces nouvelles technologies non
polluantes et des industries de la
dépollution, ces nouvelles activités
recèlent d'immenses gisements
d'emplois.
Comme nous l'avons constaté en
envisageant un nouveau modèle
énergétique, la mise en uvre de
cette économie non polluante correspond
à une nouvelle stratégie de
croissance.
Cela est vrai pour les pays
du Nord mais plus encore pour les pays
du Sud qui commencent à peine,
en particulier dans les pays
émergents, à prendre en
considération les risques
auxquels les exposent les
activités polluantes.
C3.6 Pour de nouveaux
modes de consommation
De même qu'ils commencent à se
consacrer à de nouvelles activités
essentiellement immatérielles, faiblement
consommatrices en matières premières
et peu énergétivores, les hommes sont
appelés à privilégier la
qualité de leurs consommations de biens
matériels, plutôt que leur
quantité. On sait, et ce n'est qu'un
exemple, que la consommation de vins courants a
considérablement baissé en France du
fait de la diffusion de l'information sur les
risques sanitaires au bénéfice des
vins d'AOC dont la consommation est bien moindre,
notamment du fait des prix. Par ailleurs, la
nouvelle industrie propose de plus en plus de
produits dont le contenu est multiforme.
L'évolution des téléphones
portables illustre parfaitement ce
phénomène d'enrichissement des
productions.
En outre, et on le constate
déjà dans les pays du Nord, la
demande s'oriente de plus en plus vers les
activités de service qui contribuent
tant à l'amélioration de la
qualité de la vie. Enfin, en relation
étroite avec l'élévation du
niveau d'éducation, la demande va
privilégier les richesses de la connaissance
et de l'information qui sont appelées
à connaître un développement
formidable. Que l'on pense au prodigieux
développement du multimédia et des
moyens de communication et d'information dont
l'internet est le symptôme le plus
visible.
On le voit, il ne s'agit pas de consommer
moins mais de consommer, je n'ose dire mieux, mais
autrement. Nos sociétés sont
appelées, pour reprendre un propos de
Patrick VIVERET, à sortir d'une croissance
de " nature toxicomane " où l'ordre des
choses procède d'une conquête de
l'avoir, et " interdit un développement de
l'ordre de l'être ". Les enjeux sont immenses
puisqu'il s'agit de renoncer à une "
prospérité malheureuse " et d'assumer
la fin du mythe de " l'économie du toujours
plus " qui est la marque des XIXème et
XXème siècles.
C3.7 De la
responsabilité des pays du
Nord
Il appartient en priorité aux pays du
Nord de mettre en uvre ce nouveau
modèle de croissance. Ayant
surexploité les ressources disponibles et
notamment celles des pays du Sud, ils doivent
mettre en place le nouveau modèle de
croissance qui s'impose et mettre à la
disposition des pays du Sud les technologies
nouvelles qui leur permettront d'éviter d'en
passer par les errements de " la croissance
d'accumulation " que nous avons
pratiquée trop longtemps.
Il va de soi que ces transferts de
technologies, si l'on veut (et on le doit)
éviter des phénomènes de "
recolonisation ", devront être
réalisés sans autre contrepartie que
la mise en uvre effective des technologies
concernées par les pays du Sud. La
réalisation de ces transferts devra
être assumée sous les auspices des
institutions internationales en charge de l'aide au
développement que sont la Banque mondiale
et le FMI. Ces derniers, agissant vraiment dans
l'intérêt général de la
communauté internationale, ne pourront plus
être accusés comme aujourd'hui de
promouvoir un modèle économique
servant exclusivement les intérêts des
pays riches, et les pays du Sud contribueront par
la mise en uvre des nouvelles technologies,
et sans être pénalisés, au
sauvetage de notre planète.
On peut évidemment craindre que les
pays riches puissent se montrer
égoïstes mais l'évolution du
monde va sans doute leur montrer que la "
croissance d'accumulation " est une impasse
et qu'en outre, le développement des pays du
Sud est un problème politique majeur et
qu'il s'impose dans leur propre
intérêt.
S'agissant de la faisabilité des
transferts de technologies, ces dernières
appartiennent très souvent à des
intérêts privés dont
l'altruisme n'est pas le premier souci. L'aide au
développement est un combat et l'on doit
observer que des progrès notables ont
été réalisés dans ce
domaine. C'est en particulier le cas de
l'industrie pharmaceutique qui a du
accepter, sous la pression des opinions publiques
et des gouvernements, que des
génériques soient fabriqués et
distribués, en Afrique notamment, dans le
cadre de contrats de licences très
avantageux pour les pays
bénéficiaires. De même des
thérapies ont été mises en
uvre à des conditions acceptables,
notamment dans le cadre de programmes de lutte
contre le sida. L'essentiel reste à
faire, c'est certain. Le combat doit continuer et
s'amplifier.
En guise de
conclusion
On aura compris qu'il ne s'agit pas ici de
recommander, comme le font " les
décroissants " de proposer des limites
à l'activité humaine, de telles
recommandations n'ayant d'ailleurs aucune chance
d'être entendues ni, bien sûr, d'entrer
en application. Il ne s'agit pas non plus, comme le
font les ultras de la " croissance
d'accumulation " d'invoquer, quasi
religieusement, les " bienfaits de la
croissance " et qui finiraient, si nous les
laissions faire, par nous conduire à la
catastrophe.
Il s'agit de mettre en
uvre un nouveau modèle de
croissance relevant de l'économie de
la connaissance qui est largement
immatérielle, et repose sur
l'innovation et les capacités humaines
à imaginer et à maîtriser
un monde nouveau.
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