Le
débat sur le collège unique est
relancé aujourd'hui à la fois par les
déclarations et propositions des ministres
Luc Ferry et Xavier Darcos, et par la publication
des résultats de l'enquête de la FSU
(Une du Monde daté du 19 novembre) qui met
de fait l'accent sur ce qui est plus sans doute
l'expression du désarroi d'enseignants
à la limite du découragement, qu'un
véritable choix de
société.
Ce débat continuera d'être
récurrent tant qu'on ne se sera pas
donné les moyens de construire le
collège de la réussite de tous les
élèves.
Pour les organisations signataires,
représentatives de l'ensemble de la
communauté éducative, la
rénovation en profondeur du collège
qui, de fait, n'est pas unique, est un
impératif urgent. Elles inscrivent cette
volonté dans une réflexion d'ensemble
sur le système éducatif, qui place
résolument l'enfant et le jeune en son
centre, en accord avec la loi d'orientation de
1989, et qui fait du collège, en
continuité avec l'école primaire, la
seconde étape de la scolarité
obligatoire.
La tentation est, elle aussi,
récurrente de céder à
la dangereuse illusion que le retour
à un collège construit sur
le principe des filières et de
l'exclusion par une orientation
prématurée, avant la fin de
la 3ème, constitue la
réponse aux échecs que des
jeunes connaissent au collège, aux
difficultés que rencontrent les
équipes éducatives, aux
inquiétudes des parents.
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C'est à cette tentation que
cède aujourd'hui Luc Ferry, et qui se
manifeste dans ses propositions pour "valoriser la
voie professionnelle".
Habiller la démarche de la formule
vertueuse de "diversification des parcours" ne
change rien au fond : quand il s'agit de proposer
en 4e des "classes de découverte des
métiers", dispositif de formation en
alternance," lorsque le besoin s'en fait sentir"
et, à l'issue du cycle central, des classes
préparatoires à la voie
professionnelle, de quoi s'agit-il donc si ce n'est
d'une orientation prématurée ? Et qui
sont les élèves à qui l'on
proposera ces classes, si ce n'est ceux qui,
originaires de milieux défavorisés,
connaissent des difficultés dans le
fonctionnement actuel du collège, ceux qui
sont ou semblent en échec. On
perpétuera par cette orientation par
défaut, et de manière
renforcée, l'image négative de
l'orientation en LP, que l'on dit par ailleurs
vouloir casser. On confortera ainsi la peu
glorieuse réalité du
déterminisme social qui préside
à l'orientation dans la voie
professionnelle.
En fait, par l'orientation
prématurée, on
reconnaît les lacunes d'un
système incapable d'exigences de
qualité pour tous les
élèves, en même temps
que l'on se résigne à ces
insuffisances en écartant ceux qui
ne répondent pas, à un
moment de leur vie, aux critères
normatifs et sélectifs
définis par un collège dont
l'enseignement est largement
décliné à partir du
modèle du lycée
d'enseignement général ; ce
faisant, on prend ainsi le parti
d'accentuer la coupure entre deux
jeunesses, deux cultures, et ce, sur
critères sociaux.
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Nous pensons que dans un pays de tradition
démocratique, dans une société
économiquement développée
où la structure des emplois et des
compétences requises pour l'exercice des
activités professionnelles évoluent
considérablement, où s'impose
l'objectif de la généralisation de la
formation tout au long de la vie, à l'heure
de la construction européenne, le
collège doit être le lieu où
toute une classe d'âge apprend à vivre
ensemble, acquiert ensemble un socle commun,
indispensable à chaque citoyen, de savoirs,
savoir-faire, savoir-être, de
compétences, sur lequel les jeunes
bâtiront leur spécialisation
progressive par les voies de formation
au-delà du collège, et leur avenir
personnel, professionnel et social.
Nous pensons quant à nous qu'il n'y a
aucune fatalité dans les échecs que
des jeunes connaissent au collège, mais les
effets pervers d'une volonté de
démocratisation qui n'a pas
été menée à son
terme.
Construire le collège de
la réussite de tous impose que soit
clairement affirmée la fonction
spécifique du collège :
permettre l'acquisition de cette "culture
commune" dont les contours restent
à préciser.
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Il faut que s'engagent les transformations
en termes de contenus, de structures, de
démarches pédagogiques qui
permettraient que
l'hétérogénéité
soit enfin assumée, qu'elle ne soit plus
vécue comme un obstacle, mais comme une
situation dont on tirera profit à la fois en
termes de socialisation, de "vivre ensemble" et de
dynamisation des apprentissages.
Dans cette
perspective, il faut sans doute à la fois
:
Ø
repousser à l'issue de la
scolarité tout processus de
sélection et d'orientation :
les exemples européens tendent
à montrer que c'est ainsi que l'on
favorise la réussite du plus grand
nombre,
Ø
définir des objectifs qui
doivent être atteints par tous
et autour desquels seront construits les
programmes et les démarches
interdisciplinaires,
Ø
réaliser la continuité
pédagogique et éducative
entre l'école et le
collège,
Ø
proposer à tous les
élèves les cultures
technologique et
professionnelle,
Ø
développer dans un cadre
national de référence
l'autonomie des établissements,
en leur donnant les moyens humains et
matériels de mettre en oeuvre un
projet, conçu comme étant un
ensemble de réponses
adaptées à leur public
scolaire :
différenciation
pédagogique, pédagogie
active et de projet, utilisation
généralisée des TICE,
accompagnement du travail, suivi
individualisé, tutorat,
évaluation formative,
éducation aux choix et à
l'orientation, souplesse des structures,
des modes de regroupement des
élèves et des emplois du
temps, etc.,
Ø
transformer et professionnaliser la
formation des personnels et
redéfinir leur service en prenant
en compte l'évolution du
métier,
Ø
créer des établissements
"à taille humaine" - ou adapter
ceux existants - conçus pour
favoriser la diversification
pédagogique et le vivre ensemble,
et permettant les évolutions
pédagogiques
souhaitées,
Ø
associer partout à une offre
scolaire de qualité une
sectorisation permettant un
véritable brassage des
populations,
Ø
solliciter et mettre en commun
l'expérience originale et riche
des mouvements pédagogiques et
d'éducation populaire, des
associations de quartier et des
travailleurs sociaux,
Ø
faire du collège un lieu
d'apprentissage et de vie où
les élèves et les parents -
au sein de la communauté
éducative - seront des acteurs
reconnus de la vie de
l'établissement.
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C'est
sur ces bases, sur ces convictions fortes
que nous défendons le droit pour
tous les jeunes au collège de la
réussite de tous.
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