1-Manifestations
de la curiosité
<<-C'est donc
bien beau, ce que vous voyez ?
-Plus beau que tout
ce que vous avez vu et verrez jamais de
beau dans vos rêves.
-Ma chère
miss Barbara, faites-le-moi voir, je vous
en supplie !
-Non, mon enfant,
jamais ! Cela ne dépend pas de
moi.
-Eh bien, je le
verrai ! s'écria Elsie
dépitée. J'irai la nuit chez
vous et vous ne me mettrez pas
dehors.
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-Je ne crains pas
votre visite. Vous n'oseriez jamais venir
!
Elsie prit de l'humeur et
parla d'autre chose. Puis elle revint à la
charge et tourmenta si bien la fée , que
celle-ci promit de la conduire le soir à son
pavillon, mais en l'avertissant qu'elle ne verrait
rien ou ne comprendrait pas ce qu'elle
verrait.
Voir ! voir quelque chose de
nouveau, d'inconnu, quelle soif, quelle
émotion pour une petite fille curieuse !
Elsie n'eut pas d'appétit à
dîner, elle bondissait involontairement sur
sa chaise, elle comptait les heures, les
minutes
>>
Contes
d'une grand-mère de Georges Sand, Conte La
fée aux gros yeux
2-L'éducation
selon Rousseau
|
<<
Considérez quelle direction nous
donnons à la curiosité
enfantine ; le sens, l'esprit inventif, la
prévoyance ; considérez
quelle tête nous allons lui former.
Dans tout ce qu'il verra ou fera, il
voudra tout connaître, savoir la
raison de tout ; il n'admettra rien par
supposition. Dans ces trois ou quatre ans,
en faisant passer devant lui tous les
objets qu'il lui importe de
connaître, nous le mettons dans le
cas de développer son goût,
son talent, de faire les premiers pas vers
l'objet où le porte son
génie, et de nous indiquer la route
qu'il faut lui ouvrir pour seconder la
nature. >>
L'Emile
de Jean-Jacques Rousseau
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3-La
curiosité en philosophie
<<Qu'est donc la
matière ? Qu'est-ce que l'Esprit ?
D'où vient l'influence de l'une sur l'autre,
et réciproquement ?
Pour s'en rendre compte, ils
firent des recherches dans Voltaire, dans Bossuet,
dans Fénelon - et même ils reprirent
un abonnement à un cabinet de lecture.
Les maîtres anciens
étaient inaccessibles par la longueur des
oeuvres ou la difficulté de l'idiome ; mais
Jouffroy et Damiron les initièrent à
la philosophie moderne ; - et ils avaient des
auteurs touchant celle du siècle
passé.
Bouvard tirait ses arguments
de La Mettrie, de Locke, d'Helvétius ;
Pécuchet de M. Cousin, Thomas Reid et
Gérando. Le premier s'attachait à
l'expérience, l'idéal était
tout pour le second. Il y avait de l'Aristote dans
celui-ci, du Platon dans celui-là - et ils
discutaient.
- " L'âme
est immatérielle " disait l'un.
- " Nullement!
" disait l'autre ; " la folie, le
chloroforme, une saignée la
bouleversent et puisqu'elle ne pense pas
toujours, elle n'est point une substance
ne faisant que penser. "
- " Cependant
" objecta Pécuchet " j'ai, en
moi-même, quelque chose de
supérieur à mon corps, et
qui parfois le contredit. "
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- " Un être dans l'être ? l'homo
duplex ! allons donc ! Des tendances
différentes révèlent des
motifs opposés. Voilà tout."
>>
Bouvard
et Pécuchet de Gustave
Flaubert
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