Le
plaisir d'enseigner existe-t-il encore aujourd'hui
? A-t-il d'ailleurs jamais existé ? N'est-il
pas une construction intellectuelle à
posteriori, une sorte de figure de style ? N'est-il
pas devenu un oxymore ? Comme si enseignants et
élèves étaient là,
entre quatre murs, pour leur plaisir !
L'école est obligatoire.
Obligatoire pour les
élèves, oui, pas pour les
enseignants. Les enseignants sont des adultes
libres, libres de choisir leur métier.
Pourquoi alors choisir un emploi qui n'apporterait
pas satisfaction ? Pourquoi rester dans un
métier qui a apporté satisfaction
mais dans lequel vous ne vous retrouvez plus ? Vous
êtes employé-e par l'état qui
gère une institution lourde ( c'est le
mammouth, pauvre bête !) et vous avez devant
vous un public que vous n'avez pas choisi ( vous
êtes un peu comédien-ne finalement).
Le public change au fur et à mesure des
années. Vous n'êtes pas contre cette
évolution inévitable
mais les
jeunes devant vous deviennent de plus en plus
difficiles (et de plus en plus jeunes parce que
vous, vous vieillissez, c'est inévitable
également). Ces élèves ne sont
pas (plus) au niveau qu'exigent les programmes,
qu'exige l'institution. Le gouffre entre la
théorie des décideurs politiques dans
leurs bureaux parisiens et la réalité
sur le terrain est insondable.
Les jeunes devant
vous ne sont pas très motivés, ou pas
du tout, pour s'enfermer entre quatre murs et subir
des matières diverses et variées dont
l'utilité leur échappe. Comment
transformer cet état de fait, cet
état d'esprit ? Comment faire pour que vos
élèves s'intéressent un tant
soit peu à ce que vous leur proposez (qui
vous est imposé à vous mais que vous
avez accepté de leur transmettre)? Faisons
l'inventaire des éléments de la
motivation.
Des facteurs nombreux
interviennent dans l'appétit de
connaissances des jeunes. Ils sont maintenant
connus et admis, avec des nuances selon les
chercheurs en éducation, mais les voici
simplifiés en cinq points :
1-la
société impose ses lois, ses
valeurs, sa culture dont est
dépositaire le ministère de
l'EN
2-L'élève
amène en classe son vécu, ses
valeurs et sa culture propres.
3-L'établissement
a un règlement, une administration et
un chef pour le faire fonctionner.
4-La classe est
constituée d'individus, de
personnalités obligées de
coexister.
5-Vous, enseignant-e de
devez instruire, éduquer,
évaluer, sanctionner et rendre compte
à votre hiérarchie qui vous
rétribue et aux parents.
Connaissances, évaluations et
sanctions ne sont pas de votre fait mais leur
présentation, leur intégration
dans l'activité que vous proposez
relèvent de votre choix.
Dans les points
ci-dessus, certains échappent à
l'enseignant-e ; il faut " faire avec "
même quand on n'est pas d'accord. Sauf si on
veut réformer la société, le
système, c'est toujours possible. La
liberté de chacun-e décide alors des
moyens à employer pour obtenir un
résultat.
Le bonheur
d'enseigner est-il encore loin ? Je pense que
l'on ne peut faire économie de cette mise
à plat des conditions d'enseignement pour
déterminer " Où " peut se trouver ce
plaisir, ce qui entraîne le " Comment "
l'approcher. Car si l'on se trompe de lieu, quels
que soient les moyens employés, ils
resteront vains, inefficaces. Et le
découragement s'alimentera lui-même de
résultats négatifs. La satisfaction
que peut procurer le métier d'enseigner ne
peut se trouver que dans l'acte d'enseigner. Il
pourrait venir de l'extérieur, du point 3,
si on imagine un établissement calme et
accueillant ou du point 4 si on groupe des jeunes
intéressés par les savoirs
proposés ou
C'est imaginable et
souhaitable mais le pivot central du dispositif
éducatif reste l'enseignant lui-même.
Quelle responsabilité ! Il ne peut faire son
bonheur tout seul dans ce contexte complexe mais il
peut largement y contribuer !
Rechercher son
plaisir dans son métier, non en gagnant des
sommes fabuleuses à la hauteur de celles des
joueurs de football ou en construisant de
splendides maisons comme les architectes par
exemple, mais en étant bien dans sa peau, en
restant curieux et actif devant un groupe de jeunes
apprenants, en appréciant ses conditions de
travail et en se sentant apprécié. Ne
serait-ce pas là un défi à se
lancer ? Et à lancer aux
élèves pour
eux-mêmes?
Le " Où "
étant découvert, le " Comment " reste
à élaborer. Pour ce faire, les
techniques sont abondantes et au choix de chacun-e.
Car l'enseignant-e a encore cette chance dans son
métier : une marge de
liberté.
Quelques
documents ou outils complémentaires
:
*Cette adresse :
data.edupax.org/precede/public/Assets/divers/documentation/
vous permet de consulter un
document de 8 pages intitulé " La rage
à l'école tue le plaisir d'enseigner
"
Il date de 2005 et le 18e
congrès de l'AQEP de Québec dresse un
constat que nous connaissons aujourd'hui. Il
propose la " solution " du " DEFI ".
* Le blog
lesempecheursdenseignerenrang.over-blog.org
se définit ainsi :
Pour une école du plaisir d'apprendre et de
coopérer. Contre une école des
grilles de compétences et de la
compétition. Ce blog créé par
des enseignants du Limousin se propose de partager
des modes d'action créatifs et de
résistances joyeuses.
*A l'adresse
http://id.erudit.org/iderudit/44605ac
Article Retrouver le plaisir
d'enseigner de Colette BARIBEAU
Québec
français, Numéro 89, printemps 1993,
p. 77
On peut feuilleter la revue
(icône sous la couverture de
présentation) et donc lire
l'article.
Tous droits
réservés © Les Publications
Québec français, 1993
* Sur site
www.regards.fr/societe/le-plaisir-d-enseigner-n-est-plus-au-rendez-vous-regards.fr
Témoignage d'une
enseignante sur son vécu
quotidien.
Titre " Le plaisir
d'enseigner n'est plus au rendez-vous
* Mémoire de GOYETTE,
Nancy, 2009.
Le plaisir d'enseigner chez
les enseignants du secondaire : quelle place pour
les émotions ?
Trois rivières,
Université du Québec à
Trois-Rivières, 97p.
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