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Accompagner le passage

dans lequel enfants et parents " se séparent "

L'entrée à l'école maternelle : le début d'un long voyage

Claude RIVENS

Instituteur spécialisé, chargé des aides à dominante rééducative; Réseau d'Aides Spécialisées

  Education : " conduire hors de … "

 Ainsi l'étymologie du mot éducation évoque un voyage vers l'inconnu un voyage vers " l'à venir ". L'éducateur est celui qui accompagne, il devient un guide, un passeur.

 Quand l'enfant fait son entrée à l'école maternelle, il sait ce qu'il laisse derrière lui mais il ignore ce qu'il va trouver devant. C'est par la perte que l'enfant débute son parcours d'écolier. Ce passage est toujours un moment d'incertitude, un temps de doute, une période ambivalente où j'ai envie d'avancer et peur de faire le premier pas.

 " Hors de … " implique une séparation.

La séparation est une opération psychique nécessaire au cours des trois premières années, par laquelle l'enfant se différencie de l'autre et devient autonome. La séparation est une condition de la prise de conscience de soi. Il n'y a de sujet que séparé.

Freud affirmait : " Les premières années de la vie sont comme le premiers coups d'une partie d'échecs, ils donnent l'orientation et le style de toute la partie, mais tant qu'on n'est pas échec et mat, il reste encore de jolis coups à jouer. "

"Cette plante voudrait grandir

Mais reste embryon

Croître, mais fuir

L'échéance de la forme"

Richard WILBUR " Seed Leaves "

Le poète Richard WILBUR évoque notre conflit unicité/séparation dans ce poème sur le développement de la plante et de l'homme.

 Comme les fondations d'une maison, l'entrée à l'école maternelle constitue les bases de la scolarité et il ne faut pas en négliger les effets.

L'enfant entrant à l'école maternelle a besoin de mouvement et de repos, sa représentation du temps et de l'espace reste très affective. Il doit être accueilli avec la prise en compte de ses besoins corporels et de ses outils de communication.

La mise en place de ce dispositif d'accueil contribuera à son épanouissement et à son " ajustement dynamique " à l'école.

 " Apprendre c'est être capable de se séparer, être capable de prendre toute sa puissance, être capable de se différencier. "Françoise COTOU-COUMES ( Le groupe familial n° 121)

 

Accompagner le passage dans lequel enfants et parents " se séparent "

 Quand l'enfant se présente à l'école, il est souvent porteur de sa propre angoisse et de l'angoisse de sa mère dont il n'est pas encore totalement séparé.

 Objectifs :

 - Aller au devant des effets éventuellement destructurants inhérents au passage à un environnement nouveau, pour éviter l'apparition et l'installation de troubles plus profonds conduisant à l'inadaptation.

 - Prendre en compte les dimensions affectives, cognitives et sociales des apprentissages et concevoir des pratiques de prévention adaptées à l'âge des enfants.

 - Donner à l'enfant la sécurité de base pour franchir le passage dans le monde inconnu de l'école dont il a du mal à mesurer les enjeux. Le passage étant toujours un temps d'incertitude, un acte par lequel on laisse quelque chose derrière soi pour un " à venir " que l'on ne connaît pas encore.

 - Aménager les trois phases de l'adaptation à l'école : la phase nécessaire de séparation ; la phase de mise à l'écart entre deux mondes ; une phase d'aménagement et de réinscription dans le nouveau groupe.

 - Après la mise en place de ce processus d'accueil, observer les enfants dont les difficultés persistent afin de déterminer des " groupes d'étayage " dont les objectifs seront déterminés dans le second chapitre.

 

 Objectifs opérationnels :

 

- Apporter une attention particulière aux enfants et aux familles.

 - Se placer comme interlocuteur éventuel entre les parents et l' enseignante de la classe.

 - Créer des relations sécurisantes pour favoriser l'estime de soi pour accompagner l'enfant dans le processus d'acquisition de son autonomie et la construction de son identité.

 - Placer l'enfant dans un réseau de parole et de compréhension pour trouver des solutions ou anticiper les difficultés.

 - Aider l'enfant à :

- Avoir suffisamment confiance en lui et à en son environnement pour accepter le premier apprentissage, celui de devoir se séparer de sa mère et aller explorer d'autres horizons.

 - Accepter l'entrée dans le monde des adultes et le monde des symboles (lire, écrire, compter …).

 - Mettre petit à petit ses préoccupations à distance pour qu'il puisse s'ouvrir à l'envie de grandir et d'apprendre.

- Analyser les difficultés qui pourraient apparaître chez certains enfants malgré la mise en place de cette structure d'accueil. Définir pour ces enfants les objectifs d'un " groupe d'étayage ".

 - Aider les parents à :

- Avoir suffisamment confiance en eux et à l'institution scolaire pour accepter l'idée de " laisser leur petit " dans les mains d'une autre personne et accepter qu'ils ne sont pas les seuls à pouvoir aider leur enfant à grandir.

 - Accepter de prendre de la distance par rapport à leur enfant pour le faire entrée dans le monde des adultes et le monde des symboles (lire, écrire, compter …)

 

 Deux actions mises en place

 La première rentrée :

 En Juin, lors de l'inscription, premier pas fait par les parents : aménager un temps de rencontre entre la famille et l'institution scolaire.

Pour préparer une séparation dans la continuité, nous accueillons les parents, l'enfant et le lien enfant-parent. Nous restons à l'écoute des familles qui peuvent alors nous faire part de leurs peurs, de leurs angoisses et de leurs inquiétudes. Nous prenons le temps pour visiter l'école et de parler avec les personnes que nous accueillons (parents et enfant) de ce qu'elle représente. Les quinze premiers jours de classe, je suis présent dans la classe, à côté de l'enseignante. Je participe à l'accueil des enfants et à l'accompagnement de l'enfant dans le processus d'adaptation à l'école ( cf les trois phases précédemment définies). Avec l'enseignante nous favorisons les liens entre l'école et les parents qui vivent eux aussi une séparation.

 Observation du comportement des enfants pour déterminer ceux qui pourraient bénéficier d'un suivi dans un "groupe d'étayage".

 

 Mise en place de groupes d'étayage

 Enfants concernés :

 Les enfants qui après une période d'adaptation montrent des difficultés à s'intégrer dans le nouvel environnement qu'est l'école.

- difficultés de langage; difficultés de socialisation; difficultés d'affirmation de soi

 Objectifs :

- S'inscrire dans le champ de la prévention primaire* dont le but est de mettre en œuvre des mesures et des moyens pour éviter que ne s'installent et se développent des situations créatrices de difficultés scolaires. Le travail est centré sur le comment les enfants fonctionnent. Le contenu est avant tout un prétexte d'expérimentation et vient au second plan.

 - Retenir les trois axes prioritaires de l'école maternelle pour aider ces élèves à conquérir leur autonomie et à acquérir des attitudes et des compétences qui leur permettent de construire les apprentissages fondamentaux :

- Le langage oral : Comprendre la parole de l'autre et se faire comprendre.

  - Le vivre ensemble : Accompagner les enfants dans le passage d'une communication centrée sur des attitudes ou des comportements agressifs ou au contraire résignés à une communication inscrite dans un usage aisé du dialogue et du respect de l'autre et de soi.

 - Pratique créative et expression de soi : Elargir le champ des expériences dans des milieux et des espaces qui aident les élèves à mieux se connaître, à développer leurs capacités motrices et à ajuster et diversifier leurs actions dans cet environnement. Elargir le champ des possibles et restaurer l'image narcissique.

 Objectifs opérationnels : 

- Créer un espace structuré sécurisant.

 - Etre, dans un premier temps, à l'écoute de l'enfant pour m'adapter à lui, puis progressivement me désadapter pour l'inviter à être actif.

 - Accompagner ces enfants aux besoins éducatifs particuliers, vers une prise de conscience de leurs possibilités et de leur responsabilité.

- Favoriser l'émergence du désir de connaître et d'agir.

 - Valoriser les réussites et de permettre l'erreur.

 - Ecouter l'enfant et d'entendre avec bienveillance ce qui peut freiner l'enfant dans sa réussite.

 - Faciliter les échanges entre les participants au groupe.

 Evaluation :

 Essentiellement basée sur l'observation du comment l'enfant participe ou ne participe pas à aux activités proposées.

Le travail de prévention sera évalué en classe en prenant en compte les trois axes prioritaires définis précédemment . Pour aider cette évaluation je propose de retenir les critères suivants.

  -Le langage oral :

 Comprendre la parole de l'autre et se faire comprendre

  - Compétences de communication. Etre capable de :

- répondre aux sollicitations de l'adulte en se faisant comprendre.

- prendre l'initiative d'un échange et de le conduire au de-là de la première réponse.

- Participer à un échange collectif en acceptant d'écouter autrui, en attendant son tour de parole et en restant dans le propos de l'échange.

  - Compétences concernant le langage d'accompagnement de l'action (langage en situation). Etre capable de :

- comprendre les consignes ordinaires

- dire ce que l'on fait ou ce que fait un camarade (dans une activité)

 

- Compétences concernant le langage d'évocation. Etre capable de :

- rappeler en se faisant comprendre un événement qui a été vécu collectivement ;

- comprendre une histoire adaptée à son âge et le manifester en reformulant dans ses propres mots la trame d'une histoire ;

- raconter un conte déjà connu en s'appuyant sur la succession des illustrations..

 Vivre ensemble :

 Accompagner les enfants dans le passage d'une communication centrée sur des attitudes ou des comportements agressifs ou au contraire résignés à une communication inscrite dans un usage aisé du dialogue et du respect de l'autre.

 Compétences. Etre capable de :

- jouer son rôle dans une activité en adoptant un comportement individuel qui tient compte des apports et des contraintes de la vie collective

- identifier et connaître les fonctions et le rôle des différents adultes de l'école.

- Respecter les règles de la vie commune (respect de l'autre, du matériel, des règles de politesse …) et appliquer dans son comportement vis-à-vis de ses camarades quelques principes de vie collective (l'écoute, l'entraide, l'initiative …).

 

 Agir et s'exprimer avec son corps :

 Elargir le champ des expériences dans des milieux et des espaces qui aident les élèves à mieux se connaître, à développer leurs capacités motrices et à ajuster et diversifier leurs actions dans cet environnement. Elargir le champ des possibles et restaurer l'image narcissique.

 Compétences. Etre capable :

- d'adapter ses déplacements aux différentes situations.

- de participer spontanément aux activités motrices

- de faire des propositions

- de s'exprimer corporellement.

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Commentaire

Réactions

<<La citation au début de cet article : "Les premières années..." est de Anna FReud. Rendre à la fille ce qui lui appartient.>>

<<Voila plus de 20 ans que j'enseigne en PS et que je mets en place un accueil personnalisé pour chaque enfant et sa famille. Tout ce que vous dites est pour moi une évidence. Cela manque toutefois d'exemples concrets qui pourraient aider de jeunes enseignants. Et puis je rajouterai que malgré tous nos efforts, certains n'ont pas la maturité physiologique et psychologique pour être scolarisés. Il serait tant de réfléchir sérieusement à ce problème, sachant bien évidemment qu'un jeune enfant à l'école coûte moins cher à la société qu'à la crèche ou autre mode de garde. Aucun moyen n'est donné pour accueillir ces très jeunes enfants qui se retrouvent souvent dans des classes à fort effectif.Cette classe est encore trop considérée comme un mode de garde ou à l'inverse comme un mini-primaire.De par mon expérience, je dis haut et fort que nous sommes en train de perdre notre spécifité d'école(ce n'est pas un mode de garde) maternelle (ce n'est pas l'école élémentaire) On leurre encore les parents en leur faisant croire que c'est le mieux pour leur enfant. Bref! un vaste débat.>> 5/07

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