Le débat national, public, officiel organisé par le gouvernement.

LA LETTRE DE R.E.V.E.I.L. N° 11-3- novembre 2002

http://assoreveil.org/

PLAN DU SITE

             Ce n'est pas faire de procès d'intention à la commission nationale, que de considérer que l'actuel débat est à la fois " dispersé " sur un grand nombre de sujets (22) et souvent verrouillé par les suggestions de pistes de réflexion trop " fermées ".

             Certaines " questions possibles " sont si fermées qu'elles semblent ne solliciter qu'un type de réponse : oui ou non ! Pour que chacun puisse se faire une opinion sur cet encadrement du débat , les 22 sujets de réflexion proposés par la commission nationale sont ici avec les mots-clés proposés pour chacun d'eux et les suggestions de " questions possibles ". La commission les a regroupés sous trois grands thèmes intitulés " définir les missions de l'École " (sujets 1 à 7), " faire réussir les élèves " (8 à 17) et " améliorer le fonctionnement de l'École " (18 à 22).

             Annoncé pour la rentrée de septembre, ce débat a été long à mettre en place : officiellement, il est ouvert depuis le 17 novembre et sera clos, dans sa première partie au moins, le 17 janvier. Deux mois incluant la période des fêtes de fin d'année peu propice à une réflexion " pour le bien commun ", c'est court. Depuis quelques jours, plusieurs appels officiels ont été lancés à tous les citoyens pour qu'ils s'expriment sur l'École de demain, laissant penser que chacun pourra être entendu de la commission nationale. Il est évident que cette invitation est fallacieuse : si chaque citoyen peut effectivement écrire à la commission, il est impossible que toutes les opinions ainsi énoncées, toutes les propositions avancées soient prises en compte dans la synthèse finale, ne serait-ce que pour des raisons matérielles.

             On peut d'ailleurs s'interroger sur le slogan affiché en tête du site de la commission " 60 millions d'avis à partager ", c'est à dire un par Français (nouveaux nés compris ?) C'est pourquoi les " quinze mille débats " annoncés seront essentiellement ceux qui seront organisés dans les établissements scolaires (collèges, lycées, certaines écoles primaires).

             Or ces débats locaux sont très encadrés : les animateurs (en principe un par question étudiée, bien que les annonces des réunions présentées sur le site de la commission n'en mentionnent le plus souvent qu'un pour plusieurs questions) choisis (par qui ? Si les personnels de direction en sont écartés, on note à plusieurs reprises des IA, IPR, ou autres personnels " d'autorité ") seront seuls habilités à rédiger les synthèses qui seront ensuite transmises à la commission nationale. Les sujets qui seront traités dans chaque établissement sont choisis par les organisateurs du débat (en principe le conseil d'administration). Ils doivent obligatoirement être choisis parmi les 22 proposés. Leur nombre n'est pas fixé mais pratiquement, il sera compris entre 2 et 4 dans la plupart des cas, compte tenu des délais très courts pour l'organisation et la transmission des synthèses (dans les 10 jours suivant la dernière réunion, et avant le 17 janvier.

             La forme de ces synthèses est aussi fixée : 8 pages en " times 12 ", soit 3 pages consacrées aux constats, 3 à la prospective et 2 à trois propositions retenues (1 par paragraphe). Les dates et lieux de débats devront être annoncés à l'avance à la commission nationale qui les présente sur son site (http://www.debatnational.education.fr - pour l'instant, le nombre de 15 000 semble encore loin d'être atteint.)

             En principe, les associations pourront aussi envoyer le résultat de leurs réflexions dans les mêmes formes (8 pages, etc.) Mais il semble qu'elles doivent obtenir un agrément et remplir un formulaire envoyé par la commission nationale : un courrier électronique adressé à la commission à ce sujet le 16 novembre est pour l'instant sans réponse.

 

" PENSER GLOBALEMENT, AGIR LOCALEMENT "

Beau slogan, mais encore ?

 

             Le " grand débat sur l'École " qui commence nous invite à considérer que tout problème qui touche notre vie peut être l'objet de deux approches différentes :

· en général, après analyse d'une situation bien identifiée et délimitée, on recherche une solution précise, applicable à court terme, au problème concret posé ; on vise à supprimer certaines gènes, à améliorer une situation, à rendre l'action plus efficace, à soulager certaines souffrances, à corriger certaines injustices… ou certains scandales, etc.

· mais ce problème se situe dans une situation d'ensemble qui nécessite une réflexion plus large, plus approfondie : chaque situation précise amène à considérer les interrelations et interactions qu'elle entretient avec d'autres situations qui la relient au sein d'un " système " complexe ; cette approche dite " systémique " ou " complexe " conduit à rechercher des solutions " globales " qui tiennent compte de l'ensemble des dimensions de cet ensemble et dont les effets seront à la fois plus profonds et plus durables ; solutions révolutionnaires au sens propre du terme dans la mesure où elles entraînent des changements parfois radicaux de perspectives ; solutions dont la mise en œuvre ne peut se faire que dans le moyen, voire le long terme, puisqu'elles conduisent à des transformations sociales profondes qui elles-mêmes ne peuvent advenir que progressivement dans une interaction avec les transformations des mentalités individuelles.

Trouver et appliquer une solution à un problème donné :

             Lorsqu'il s'agit d'un problème à la fois local et ponctuel, cette solution n'a qu'une portée limitée. Elle n'a aucune incidence sur la situation globale dans laquelle ce problème s'est posé . Mais ce problème peut se poser dans un grand nombre de situations : la solution purement locale n'est alors qu'un emplâtre sur une jambe de bois ; elle agit comme ces médicaments qui masquent un symptôme mais ne soignent pas la cause de la maladie qui elle, continue d'évoluer à bas bruit et risque un jour de se révéler grave ou même fatale (sans compter les effets secondaires qui peuvent être pires que le mal soigné !).

             Agir au niveau des causes d'un problème précis mais général ou au moins très fréquent nécessite alors une réforme. Et c'est là que se pose un autre type de problème : toute réforme suppose un changement dans les habitudes de penser, d'agir, de se comporter, de vivre… Une réforme concerne tout autant les personnes dans leur singularité que la société, les institutions. Elle est vécue par une partie des personnes concernées comme une atteinte à leurs intérêts particuliers, " avantages acquis " parfois, " confort " souvent, habitudes surtout. Il n'est pas de réforme innocente, purement technique, même si toute réforme comporte un caractère technique. C'est pourquoi toute réforme, et surtout dans le domaine extrêmement sensible et complexe de l'éducation, demande du temps : temps de réflexion collective, temps de débats qui soient de vrais échanges, donc durée non limitée au départ, mais aussi débat ouvert et approfondi, non verrouillé par un projet bouclé d'avance, qui ne soit pas maintenu au niveau des " brèves de comptoir " du café du commerce mais alimenté par des informations réelles donnant le plus d'éclairages possibles pour une bonne compréhension de la situation dans son ensemble.

             Car un problème ne naît pas de rien, ex abrupto, même si souvent on ne l'a pas vu venir (par manque de clairvoyance. ). Il se situe dans une histoire : faire l'impasse sur cette genèse ne peut que conduire à déplacer le problème. C'est grave surtout lorsque cette ignorance est voulue par ceux qui cherchent surtout à promouvoir une réforme qui serve leurs intérêts particuliers à court terme et non à résoudre un problème dans l'intérêt général.

             Mais un problème particulier n'est jamais isolé : il est en relation, et même en interaction au sein d'une situation globale qui concerne l'ensemble de la " cité " (polis) et doit donc être traitée au niveau " politique ".

De technique, le problème devient alors " citoyen " ce qui conduit au débat sur le projet de société, qui lui même ne peut que se situer dans le cadre d'une éthique commune, partagée par tous ou du moins la majorité des citoyens d'une démocratie, c'est à dire d'un ensemble de valeurs posées comme essentielles parce qu'elles donnent un sens (dans le double sens de ce mot : signification et direction) au " contrat social " sans lequel toute société n'est qu'un agrégat d'intérêts particuliers en opposition les uns aux autres (un contre tous : compétition où tous les coups sont permis).

             Toute approche d'un problème particulier devrait donc conduire à une démarche globale, à penser globalement.

Mise en œuvre d'une réforme.

             Parce qu'elle concerne l'ensemble d'une société, même si elle ne concerne directement qu'un domaine particulier, une fraction de la population, une réforme est nécessairement d'ordre politique, et donc, en démocratie, elle doit être impulsée par un gouvernement représentant le peuple (démos). Impulsée ne signifie pas décrétée, car elle entraîne nécessairement des changements dans les manières de vivre, les conduites individuelles et que celles-ci ne peuvent être imposées : ceci est particulièrement vrai dans tous les domaines de l'humain, et au premier chef de l'éducation.

             Pour en revenir donc au débat actuel sur l'avenir de l'École, l'erreur est donc de vouloir décréter une réforme, qu'elle soit " progressiste " ou " conservatrice ", même si, hélas, elle a plus de chances de soulever l'adhésion dans le second cas, par les temps où l'hyperindividualisme et le consumérisme dominent .

             A l'École plus que dans tout autre institution sociale, une réforme de l'École ne peut se résumer à une loi que des exécutants devraient appliquer. Dans ce domaine, la phrase de Montesquieu " les mœurs précèdent la loi " est particulièrement pertinente. La loi, au sens traditionnel du terme, ne peut que consacrer des pratiques, des conduites, des " mœurs " (en se souvenant que la " morale " est l'ensemble des règles qui doivent gouverner les mœurs (du latin mores), les conduites).

             Il faut donc imaginer un autre type de loi, qui fixe non des conduites mais des " orientations " : ce devrait être le sens de toute " loi d'orientation ", une loi qui incite aux réformes, les facilite, sans les décréter " clés en main ".

             Une fois de plus, répétons que les vrais réformes ne peuvent venir que de " la base " qui ne doit donc plus être pensée comme formée d'" agents d'exécution " mais d'" agents du changement ", sources d'initiatives (ce qui devrait d'ailleurs être le propre de toute démocratie réelle) qui ne peuvent être que locales. (c'est le sens même de REVEIL).

             Qu'attendre donc de la loi sinon qu'elle fixe une orientation générale des transformations nécessaires en fonction d'un projet de société et qu'elle permette les initiatives d'actions locales, qu'elle les encourage, les soutienne, en facilite la coordination non pas administrative et tatillonne, mais démocratique et constructive (cf. les manifestes " pour la reconnaissance de sites pilotes de l'éducation nationale ", 1998 et celui de 2000 " pour une école créatrice d'humanité " présentés sur le site de Réveil.

Conclusion proposée

             Le débat actuel ne satisfait ni dans son fond ni dans sa forme aux conditions énoncées ci-dessus. Il faut cependant faire l'effort d'y participer, ce qui ne signifie pas le cautionner, mais bien au contraire tenter d'éveiller, autant que nous le pourrons, les participants aux débats locaux, à la réalité complexe et globale des problèmes particuliers qui y seront traités, à tenter de sensibiliser au moins quelques personnes de plus à la nécessité de ne pas en rester au niveau de l'affirmation de simples " opinions " mais de s'engager dans un vrai débat approfondi, un débat " off ", qui se prolongera dans les mois et les années à venir. Car on a bien compris que refonder l'École de demain, même si c'est une urgence et si les voies nouvelles ont été largement ouvertes depuis près d'un siècle, cela demandera du temps, des efforts à long terme et que cela nécessite un vrai engagement citoyen de chacun dans la durée.

             Tenter de gagner aussi le plus grand nombre de nos concitoyens à l'idée que ce sont les initiatives locales, qui donc dépendent d'eux, de leur action personnelle, qui seules pourront faire avancer les choses. Et que l'une des plus urgentes réformes politiques qu'il faille arracher aux pouvoirs publics (les résistances de toutes natures sont nombreuses, jusqu'au niveau local) c'est qu'il reconnaisse le droit et garantisse les possibilités réelles de mener des initiatives locales, de sortir des normes habituelles, en un mot d'agir localement dans une perspective globale.

G.H. 27/11/03

 

R.E.V.E.I.L.

Rénover l'École en Valorisant et en Encourageant les Initiatives Locales

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