La notoriété

- N: II y a quand même bien eu, à un moment, un sujet qui vous a intéressé, plus que le reste ?

- M: Oui, ça c'est difficile à dire, il faudrait rentrer dans les détails techniques. J'ai commencé ma thèse avec Laurent SCHWARTZ. J'avais un camarade qui a commencé en même temps que moi, je ne sais plus, je crois que c'est Y qui est maintenant au Collège de France. On avait commencé sur des sujets assez proches, alors il y avait un gros problème qui était posé dans le livre de SCHWARTZ et il m'a dit: "tiens, tu devrais regarder ce problème", et alors je suis allé voir SCHWARTZ et SCHWARTZ m'a dit: "Ah oui, c'est une très bonne idée, regarde donc ça". Et puis, bon, en cherchant je n'ai pas trouvé, mais j'ai trouvé autre chose à côté, SCHWARTZ posait le problème, trouver une solution élémentaire d'une équation aux dérivées partielles par un autre problème, division des distributions. Alors, j'avais commencé à regarder division des distributions, je me suis aperçu que je pouvais trouver la solution en le court-circuitant. Alors, vous savez comment on démarre, c'est difficile, on cherche une chose, on vous dit ou bien on se dit soi-même tu devrais regarder ça, et puis on regarde et puis on trouve quelque chose, ça ou autre chose; et puis alors à ce moment-là j'ai continué ... j'ai continué à travailler là-dessus; je ne connaissais rien au sujet des équations aux dérivés partielles et puis après, en ayant fait ma thèse, je me suis aperçu que j'étais un spécialiste connu du sujet, alors je me suis mis à l'apprendre (rires).

- N: Je me suis aperçu ? (rires)

- M: (rires) mais je ne plaisante pas, c'est vraiment comme ça que cela s'est passé. Je me suis même dit: ah ! ... quand j'ai vu dans des conférences internationales un tas de spécialistes, qui parlaient avec moi, etc., je me suis dit: bon, il faut que j'apprenne maintenant (rires) ...

Si vous voulez, je n'ai pas le sentiment qu'il y a jamais eu aucun vantardise là-dedans, et quand il y en a eu, cela n'a jamais marché à vrai dire, il y a des sujets sur lesquels je me suis accroché volontairement, mais je me suis aperçu après que ce n'étaient pas des bons sujets, tout ce qui est vraiment venu, c'est venu d'une façon très spontanée ... tout ce qui valait quelque chose est venu d'une façon relativement spontanée, je ne dis pas sans effort, ce n'est pas vrai mais comme ça, et la valeur que cela pouvait avoir éventuellement, d'abord ce n'était pas à moi de la juger, et puis je ne m'en suis rendu compte qu'après.

Par contre, là où au départ je me disais: cela il faut que je le fasse, cela c'est important le truc que je voulais construire et cela n'a jamais rien donné ...

- N: Comme si, je ne sais pas si c'est exact, ...

- M: Mais, tout le monde n'a pas cette attitude ... je pense qu'il y a des gens qui ont une attitude très volontariste ... il y a quelque cas où ... cela marche bien. Pour moi, pour la plupart des cas ... c'étaient des choses qui m'avaient été données de l'extérieur, qui m'avaient été données par des collègues.

- N: Ah ! bon.

- M: ... qui m'avaient semblé amusantes, dont je n'avais pas vu a priori tout l'intérêt ou toute l'importance; il y a des gens qui sont très forts pour poser des problèmes, moi je n'ai jamais su tellement, alors cela s'est trouvé comme ça, un certain nombre de gens m'ont passé des problèmes qui se sont révélés être des bons problèmes, et sur lesquels au début je me suis amusé sans plus, sans y attacher tellement d'importance et puis j'étais un peu étonné même après de l'importance que les gens leur attachaient (rires) et, par contre, justement des problèmes, que moi, je me posais profondément, que je voulais arriver à ... c'était ... c'était pas toujours les bons.