Le plaisir en mathématique

- B: Ben, il y a du plaisir quand ça marche bien, il y a du déplaisir quand ça ne marche pas bien (rires), il y a des périodes où ça marche bien, des périodes où ça ne marche pas bien, naturellement.

- N: Vous pouvez parler un peu des deux ?

- B: Pour moi, quand on éprouve du plaisir, c'est surtout quand on est sur le point de découvrir quelque chose et qu'on polit un peu l'ouvrage et qu'on sort quelque chose de concret, un article bien entendu. Mais si quelquefois on reste plusieurs semaines, plusieurs mois, sans rien trouver d'intéressant c'est très, très décevant mais le plaisir de découvrir est à ce moment très grand, c'est même plus que ... c'est même ça plutôt que le plaisir de parler de mathématiques; j'aime pas tellement... j'aime pas professer par exemple ...

- N: Ah! bon ...

- B: ... je le fais au minimum. Ce que j'aime bien, c'est être avec un papier et un crayon dans une salle très confortable avec un cigare, un très bel objet devant moi: statue ou tableau, quelque chose...

- N: une figure...

- B: C'est-à-dire, il faut ... je ne fais pas de bonnes mathématiques du tout si je ressens une sorte de frustration ou d'inconfort; quelquefois même quand il fait très beau, au bord de la mer, eh! bien ça ne marche pas, alors qu'au contraire, d'autres fois c'est seulement au bord de la mer que ça marche, parce qu'il y a beaucoup de frustrations, si on est enfermé dans une pièce par exemple, ce qui est souvent nécessaire, il ne faut pas être tiraillé pour aller dehors, il faut au contraire trouver que la pièce est une sorte de refuge nécessaire; enfin, c'est ... un petit détail quand même, ça s'accompagne donc d'un certain sentiment de confort, de tranquillité, il faut essayer de se concentrer... une gymnastique... C'est très difficile ce que vous me dites là au fond, j'ai jamais réfléchi à cet aspect de la question... On n'a du plaisir à faire des mathématiques que si on se sent... motivé mais motivé d'abord par l'objet qu'on veut atteindre bien entendu, mais aussi par une sorte d'atmosphère et d'envie de se recueillir et de s'abstraire... alors là, évidemment, il y a certainement beaucoup à dire au sujet du rapport de cet aspect de la question et de l'affectivité ?